Des associations lancent une enquête sur la mort de Rémi Fraisse

Lena Bjurström  • 14 novembre 2014 abonné·es
Des associations lancent une enquête sur la mort de Rémi Fraisse
© Photo : Un autel en hommage à Rémi Fraisse, devant un lycée à Paris le 6 novembre 2014. (KENZO TRIBOUILLARD / AFP)

Une enquête sur les circonstances de la mort de Rémi Fraisse, menée par et pour la société civile, c’est ce qu’ont lancé, ce jeudi, la Ligue des Droits de l’Homme (LDH), France nature environnement (FNE), le Syndicat des avocats de France (Saf), le syndicat étudiant Unef, et le Réseau d’alerte et d’intervention pour les Droits de l’Homme (RAIDH).

«Nous avons commencé à récolter les témoignages sur place, et notre commission nationale d’enquête les confrontera aux discours institutionnels» , a déclaré le président de la LDH Pierre Tartakowsky lors d’une conférence de presse.

«Il ne s’agit pas d’une démarche de suspicion à l’égard de l’instruction menée actuellement par la justice, précise-t-il, Nous n’entendons pas jouer comme un contre-pouvoir mais comme un complément civique, faire monter la pression pour que les éléments dissimulés de cette affaire soient mis en lumière. La vérité a besoin d’accoucheurs.»

Une action qui se justifie, selon lui, par toute l’opacité entourant les circonstances de la mort du jeune manifestant, atteint par l’explosion d’une grenade offensive sur le chantier du barrage de Sivens, le 26 octobre. D’autant que l’affaire pose une interrogation plus générale sur les méthodes actuelles de maintien de l’ordre, et les choix politiques autour de grands projets comme celui de Sivens.

«Une chaîne de commandement qui refuse d’assumer ses responsabilités»

«Ce n’est pas qu’une arme qui a conduit au décès de Rémi Fraisse» , rappelle l’avocat de la famille du manifestant, Arié Alimi. C’est toute une série de choix politiques, de l’importante présence des forces de l’ordre sur le chantier depuis plusieurs semaines déjà, aux consignes «d’extrême fermeté» données par le préfet aux gendarmes, qui ont entraîné la violence de cette nuit-là.

«Compte-tenu de ce qui se passait depuis septembre, la situation était potentiellement meurtrière» , estime Pierre Tartakowsky.

«Nous sommes capables de témoigner du durcissement du dispositif policier sur le site jour par jour» , affirme Benoit Hartmann, de France Nature Environnement, en rappelant les multiples plaintes déposées contre les forces de l’ordre à Sivens depuis plusieurs mois. Un tel déploiement policier contre les opposants à ce projet est une décision politique, et le résultat d’un déni de démocratie, selon lui :

«Le dossier du barrage de Sivens était pourri depuis le début. De manière générale, il y a un vrai déni de démocratie autour de ces grands projets. Lorsqu’on refuse d’entendre les enquêtes d’experts, les arguments des opposants, ceux-ci n’ont d’autre choix que d’occuper le site.»

Et les autorités répondent à cette occupation par l’envoi de forces de l’ordre, dont la consigne est de faire preuve d’une « extrême fermeté ».

«Lorsqu’on demande aux gendarmes de faire preuve «d’extrême fermeté», on donne directement la consigne d’utiliser toutes les armes à disposition pour réprimer les manifestants» , souligne Arié Alimi. De telles consignes ont de graves conséquences. Or, «on est aujourd’hui face à une chaîne de commandement qui refuse d’assumer ses responsabilités» , estime l’avocat.

La commission nationale d’enquête de ces associations est donc chargée de confronter ces responsabilités, afin de «nourrir un débat public, au-delà même de la mort de Rémi Fraisse» , conclut Pierre Tartakowsky.

Pour aller plus loin…

L’avocate des victimes de l’agression raciste dans la Creuse menacée
Exclusivité 29 août 2025 abonné·es

L’avocate des victimes de l’agression raciste dans la Creuse menacée

Les violences se poursuivent à Royère-de-Vassivière. Après la « chasse au nègre » menée le 15 août, pour laquelle sept personnes ont porté plainte, leur avocate, Me Coline Bouillon, a été la cible de menaces de mort et de viol en ligne, d’après nos informations. Elle a déposé plainte.
Par Élise Leclercq
« La lutte a rendu visibles les sans-papiers qui rasaient les murs »
Entretien 28 août 2025 abonné·es

« La lutte a rendu visibles les sans-papiers qui rasaient les murs »

Alors que le ministère de l’Intérieur s’acharne à enfermer les personnes sans-papiers pour les renvoyer de force dans leur pays d’origine, Alassane Dicko, de l’Association malienne des expulsés, revient sur l’histoire de la lutte des personnes expulsées et de leurs soutiens.
Par Pauline Migevant
À Calais, pour les personnes exilées, le flou règne autour de l’accord franco-britannique
Reportage 28 août 2025 abonné·es

À Calais, pour les personnes exilées, le flou règne autour de l’accord franco-britannique

L’accord entre la France et l’Angleterre sur l’immigration est entré en vigueur le 6 août. Il prévoit le renvoi en France de personnes arrivées au Royaume-Uni par la Manche contre l’acceptation des personnes éligibles au programme. Mais l’absence d’information laisse les exilé·es dans un dédale administratif.
Par Élise Leclercq
À Paris, l’hommage aux républicains espagnols de la « Nueve », premiers libérateurs de la capitale
Histoire 28 août 2025 abonné·es

À Paris, l’hommage aux républicains espagnols de la « Nueve », premiers libérateurs de la capitale

Comme chaque année depuis 2004, une cérémonie organisée par la Mairie de Paris a célébré les républicains espagnols de la 9e Compagnie de la 2e DB de Leclerc, qui furent les premiers soldats alliés à entrer pour libérer Paris le 24 août 1944.
Par Olivier Doubre