Pour quelques milles (nautiques) de moins…

Ne devrions-nous pas être tout contre les pays d’outre-mer dans leurs luttes d’émancipation ?

Sébastien Fontenelle  • 6 novembre 2014 abonné·es

Camarade Mélenchon, Je suis plongé dans ton dernier livre [^2] et j’y trouve, turellement, des passages réjouissants – pour eux-mêmes, et parce que s’ils marquaient, disons, l’étiage de la gauche françousque, qu’est-ce qu’on serait content(e)s, putain, on s’engueulerait plus que sur la couleur de la peinture. (Puis je dois dire que j’aime assez la façon que tu as de lancer dans la g… dans la face de François Hollande, toutes les cinq ou six pages, et après avoir distinctement prévenu que tu n’allais pas du tout gâcher du signe à l’attaquer, de lourds chapelets de missiles sol-g… sol-face, genre smoke, it’s from Bolivia. )

Mais, soudain, j’arrive aux pages où tu redis que la mer est l’avenir de l’homme, et à celles, plus particulièrement – numérotées 40 et 41 –, où tu te mets carrément à pousser des petits feulements de joie autour du thème : notre espace maritime à nous, Françousques, est d’onze millions de kilomètres carrés, c’est le deuxième plus grand du monde, juste après çui des United States of America, et ça, personne le dit jamais, alors que c’est positivement bouleversant, parce que, si qu’on additionne son « territoire terrestre » avec ses gros bouts d’océans, « notre pays est un géant », yooooo-ooooo-ooooo, téma comment qu’on l’a gros ! Et pourquoi pas – si ça peut te faire plaisir. Ce qui m’intrigue vraiment n’est pas dans cet enthousiasme, mais dans ton constat que « 97 % de ce territoire maritime se situe dans les pays d’outre-mer si souvent regardés de haut ou délaissés par d’ignorants prétentieux », et plus encore dans le fait que cette observation ne t’inspire aucun autre commentaire que ceux, précisément, limite extatiques donc, où tu présentes ces possessions comme un gage de grandeur nationale.

Parce que bon, ces « pays d’outre-mer » où se situent – pour l’essentiel – nos milles, sont-ce pas les mêmes dont l’indigénat, pris d’une folle envie de gagner son grand large, réclame souventes fois une indépendance où il escompte même, j’en suis presque sûr (et je dois confesser que je suis de l’avis qu’il aurait tort de se gêner), récupérer l’espace marin y afférent ? Et nous, qui sommes finalement plutôt de gauche, devrions-nous pas nous mobiliser, de toutes nos fibres halieutiques, pour que leur soient enfin rendus, en même temps que leur souveraineté, leurs kilomètres carrés d’eau salée – plutôt que de leur annoncer que là, tout de suite, ça va pas être possible, vu qu’on a un rang à tenir, des ressources à exploiter et des Yanquis à contenir ?

Pour le dire autrement – et plus abruptement (PLDA–EPA) : devrions-nous pas leur adresser le message que nous sommes tout contre eux dans leurs luttes d’émancipation – avec Élie aujourd’hui comme hier avec Éloi –, et qu’une honte immense nous empare sitôt que nous nous remémorons – nous l’oublions si facilement – que nos fortunes de mer sont bâties sur des asservissements ? PLDA–EPA : devrions-nous pas cesser complètement de les regarder d’un peu trop haut encore ?

[^2]: L’Ère du peuple (Fayard).

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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