Sauve-qui-peut : la justice vole au secours de la répression policière

De Ferguson à Sivens, en passant par New-York avec l’affaire Eric Garner, se vérifie une nouvelle fois une étape-clé de toute situation de crise à potentiel révolutionnaire : l’institution justiciaire vole toujours au secours de la répression policière et de l’ordre établi.

Le Yéti  • 8 décembre 2014
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Sauve-qui-peut : la justice vole au secours de la répression policière

Illustration - Sauve-qui-peut : la justice vole au secours de la répression policière
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Plus la crise d’un système est profonde, désespérée, plus les différentes institutions de l’ordre menacé se cristallisent entre elles par réflexe de survie : de la police à la justice en passant par toutes les instances du pouvoir politique ou médiatique.

Et plus la crise est profonde et désespérée, plus ces réflexes de survie se font au mépris de tout précaution de vraisemblance et de cohérence.

Corporatisme systémique

Les jugements des différentes autorités judiciaires dans les affaires de Ferguson, de New York ou de Sivens, dédouanant les forces policières de tout péché, sont symptomatiques de ces sauve-qui-peut éperdus.

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Illustration - Sauve-qui-peut : la justice vole au secours de la répression policière
{: class= »img-responsive spip-img  » width= »250″ height= »268″} À Ferguson , le Grand jury ne retint que les versions favorables au policier et écarta tous les témoignages contradictoires (par exemple ceux, nombreux, qui arguaient que la victime, Michael Brown, avait les mains levées au moment où le policier Darren Wilson tira).

-* À New-York , Eric Garner, étouffé par un policier (blanc) et sa bande, serait juste mort du fait de son asthme et de son obésité, comme l’affirme sans ciller l’élu républicain (blanc) Peter King.

-* À Sivens , l’enquête de l’Inspection générale de la gendarmerie nationale (IGGN) ignore délibérément le journal de bord de la gendarmerie indiquant que les policiers avaient immédiatement établi le lien entre le tir de la grenade offensive et la mort de Rémi Fraisse. Elle justifie les tirs de « 237 grenades lacrymogènes, 41 balles de défense, 38 grenades F4 et 23 grenades offensives » par la recrudescence brutale du niveau de violence des manifestants, alors que cette nuit-là aucun blessé ne fut à déplorer dans les rangs des forces de l’ordre.

Il en va ainsi de tout corporatisme systémique : dans tout monde clos en voie de désintégration, la sauvegarde à tout prix de la structure menacée prévaut toujours sur l’éthique de la mission à conduire .

Une civilisation condamnable et condamnée

Mais la grossièreté même des procédés utilisés font de ces réflexes corporatistes de survie autant de terribles aveux d’échec et d’impuissance . Une civilisation qui n’a plus que la force pour survivre est tout autant condamnable que condamnée.

Les pouvoirs totalitaires savent bien qu’il faut quelques menues compensations aux peuples pour leur faire supporter leurs carcans policiers. Or, pour essayer de sauver ses vieux meubles, le camp occidental n’a plus rien à offrir que la pure brutalité : une économie en miettes, un monde financier en pleine implosion, une croissance en berne, un chômage de masse galopant, la précarité pour tout horizon, des caricatures pitoyables de démocraties…

Pire, cette dislocation par la brutalité du consensus social intérieur s’ajoute à toute une succession de déroutes extérieures humiliantes : fiascos afghan, irakien, libyen, syrien, ukrainien…

Illustration - Sauve-qui-peut : la justice vole au secours de la répression policière
{: class= »img-responsive spip-img  » width= »200″ height= »203″}À l’intérieur comme à l’extérieur, l’emploi de la force, justifiée à priori ou a posteriori par des ersatz de décisions judiciaires ou politiques, ne suffit plus à garantir des victoires face à des populations excédées. On le voit bien en Ukraine et au Proche-Orient. On le voit bien en France où de « grands projets inutiles », de ND-des-Landes à Sivens, sont de fait bloqués malgré le déploiement policier. On le voit bien sur tout le territoire américain où la multiplication incontrôlée des « bavures » policières exacerbe les manifestations « I can’t breathe » (« je ne peux pas respirer », derniers mots d’Eric Garner).

Des autorités politiques qui ne suscitent plus que le mépris, le sarcasme ou la colère de leurs citoyens ont de gros soucis à se faire quant à leur réelle autorité .

We can't breathe - (photo : Brandon Stanton/Humans of New-York)
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