Entre visible et invisible

Les carnets de Richard Peduzzi, scénographe de Patrice Chéreau.

Gilles Costaz  • 8 janvier 2015 abonné·es

Richard Peduzzi est l’un des plus brillants scénographes français. Et aussi un pédagogue, puisqu’il a dirigé l’école des Arts décoratifs et la Villa Médicis. Dans un gros livre illustré, Là-bas, c’est dehors, il se raconte un peu. Un peu seulement, parce que sa nature ne le pousse pas à parler beaucoup de lui-même et à hausser le ton. Mais, profitant des pages d’un ouvrage où ses décors pour Patrice Chéreau et quelques autres ne prennent pas toute la place, il évoque son destin peu banal.

C’est un enfant du Havre, qui passe son enfance parmi les ruines laissées par la guerre et dans les cafés. Son père, peintre, s’est séparé de sa mère et vit de façon lointaine à Paris. Sa mère est en prison – pour faits de collaboration mal établis (on croit le deviner, à travers un récit pudique). La phrase qui donne le titre au livre est précisément une formule de sa mère. Celle-ci, le recevant au parloir, lui promet de le revoir « là-bas » et ajoute : « Là-bas, c’est dehors. » Une formule pour scénographe, traitant du visible et de l’invisible ! Mis à la porte de tous les collèges et pensions, Richard Peduzzi a un jour la chance de rencontrer un maître, Charles Auffret, sculpteur et professeur de dessin, qui lui apprend beaucoup. Il rencontre Patrice Chéreau au gré d’un hasard similaire : entrant dans le théâtre de Sartrouville, il croise un jeune homme fiévreux, avec qui l’entente est immédiate. La voie royale commence, mais elle ne sera pas toujours sans obstacles ni polémiques. Richard Peduzzi conte combien les années passées à monter le triomphal Ring à Bayreuth se heurtèrent d’abord à l’hostilité de la famille Wagner et du public. Le lire donnant ses secrets de créateur d’espaces, de lignes et de masses, c’est profiter d’une parole artistique lumineuse.

Culture
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