L’Italie dépassée par ses migrants

La péninsule doit faire face aux nouvelles méthodes des passeurs et à l’afflux de réfugiés syriens.

Olivier Doubre  • 8 janvier 2015 abonné·es

Quatre ans après le début des premières manifestations contre le régime de Bachar al-Assad, le conflit syrien provoque l’exode de millions de déplacés. Le Liban, la Jordanie et bien sûr la Turquie sont en première ligne pour accueillir ce flux incessant de réfugiés (voir ci-contre), estimés par l’ONU à quelque 2,8 millions (et près de 6,5 millions de personnes déplacées à l’intérieur de la Syrie). Mais ces migrants, fuyant les zones de combat, la répression ou l’enrôlement de force au sein de l’armée du régime ou des milices d’autres belligérants, tentent de plus en plus de gagner l’Europe, espérant un sort plus enviable que celui des centaines de milliers de réfugiés qui s’entassent sous les tentes du HCR ou dans des habitations de fortune dans les États voisins de leur pays d’origine. C’est souvent le cas de réfugiés issus de la classe moyenne, aspirant à s’insérer dans certains États de l’Union européenne demandeurs de migrants diplômés, comme l’Allemagne ou la Suède. Des proies de choix pour les réseaux de passeurs, qui savent que ces nouveaux candidats à l’exil sont prêts à débourser jusqu’à 6 000 dollars pour leur passage.

Si les passeurs peuvent exiger autour de 1 500 dollars pour des migrants généralement originaires d’Afrique subsaharienne, embarqués dans de frêles embarcations de la Libye vers la Sicile, ces sommes plus importantes obtenues de réfugiés syriens plus aisés permettent aux réseaux d’affréter de vieux cargos dans lesquels peuvent croupir jusqu’à près d’un millier de personnes. La destination est toujours l’Italie, la plus proche des pays d’Europe occidentale. Ainsi, sur plus de 200 000 migrants ayant tenté la traversée de la Méditerranée en 2014 (soit plus de 500 chaque jour !), au moins 160 000 ont été recueillis par la marine militaire italienne – quand près de 3 500 y ont trouvé la mort.

Or, avec ces embarcations vétustes, mais de bien plus grande taille, les passeurs ont modifié leur modus operandi  : le navire attend au large, dans les eaux internationales, les migrants le rejoignant après plusieurs dangereuses heures de canot. Puis le cargo entame sa longue traversée vers l’Italie, avant d’être abandonné à quelques dizaines de miles des côtes transalpines, direction et vitesse bloquées. Les passeurs évitent ainsi l’arrestation et les migrants n’ont plus qu’à espérer que les garde-côtes parviennent à prendre le contrôle du navire, lancé à pleine puissance vers les récifs de la péninsule. C’est ainsi que les cargos Ezadeen et Blue-Sky-M, en provenance de Mersin, ont échappé de justesse au naufrage, après que des militaires italiens eurent été hélitreuillés à leur bord. Ils ont été remorqués respectivement jusqu’en Calabre et au port de Gallipoli, dans les Pouilles. Quelques jours plus tôt, le Norman-Atlantic était arrivé à Brindisi, après l’extinction de l’incendie qui s’était déclenché à bord et son abandon par les garde-côtes transalpins. La plupart des occupants de ces navires, exténués, devaient, une fois à terre, entreprendre un long périple en autocar jusqu’à l’un des nombreux centres d’accueil de la péninsule, pleins à craquer, situés parfois à plus de 1 200 kilomètres. Depuis plusieurs années, l’Italie demande aux autres États de l’Union européenne de prendre leur part dans l’accueil de ces migrants arrivant sur son territoire. En vain.

Monde
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