« Un sujet sur lequel on peut pas s’exprimer »

Pourquoi Onfray fait-il mine de considérer que l’islam serait tabou ? Pour mieux le briser, pardi.

Sébastien Fontenelle  • 22 janvier 2015 abonné·es

Le (très) prolifique  [^2], philosophe télévisible Michel Onfray a déclaré ce samedi, sur le plateau d’une émission de divertissement de service public où le pointu de ses vues lui vaut d’être souvent convié [^3] : « C’est un sujet sur lequel on peut pas s’exprimer, l’islam. » La tournure est certes élégante – et laisse deviner à qui l’oit que le mec est un styliste. Mais, question : le fond du propos se rapporte-t-il à cette joliesse formelle ? Réponse : oui – mais à condition, tout de même, d’ignorer totalement la réalité. Puisqu’en effet – et comme tu l’as forcément vérifié si tu as fait dans le cours des vingt-cinq dernières années [^4] une brève incursion dans la presse et les médias mainstream  –, s’il y a dans la vraie vie, et entre tous, un sujet sur lequel les éditocrates s’expriment assez régulièrement, c’est précisément l’islam.

Et cette expression prend le plus souvent un tour monotonal, dont le la fut notamment donné il y a déjà pas mal d’années par Claude Imbert, fondateur de l’hebdomadaire assisté [^5] le Point, lorsqu’il avait posément déclaré à la télévision qu’il se sentait « un peu islamophobe », et qu’il avait après tout bien « le droit de le dire »  : peu de temps auparavant, l’ineffable Michel Houellebecq, chez qui certaines névroses sont donc un peu anciennes, avait quant à lui proclamé que l’islam était vraiment « la religion la plus con », et que la lecture du Coran (qu’il n’avait pas du tout lu) laissait forcément « effondré ».

Depuis lors – et nous parlons ici d’une période qui s’est ouverte au tout début des années 2000 –, plus un semestre ou presque ne s’écoule sans que des publications gavées de subventions étatiques ne confectionnent des couvertures d’où ressort que l’islam – et non pas l’islamisme – fait « peur », ou qu’il est « sans-gêne », etc. Cela – qui entretient dans le débat public, et dans le meilleur des cas, une constante défiance antimusulmane –, Michel Onfray le sait fort bien. Pour la simple et bonne raison que, depuis moult années, lui-même ne manque jamais, du haut des nombreuses tribunes que lui garde la médiacratie, de psalmodier que la religion mahométane lui inspire des sentiments quelque peu contrastés. Pourquoi fait-il, dès lors, mine de considérer que l’islam serait un sujet tabou ? Pour mieux le briser, pardi. Car il a bien mesuré qu’il appartient à une époque où rien n’est plus facile que de poser à l’iconoclaste en récitant des psaumes du conformisme dominant.

[^2]: Il a écrit, d’après Wikipédia, 75 livres depuis 1989 – soit, tout de même, 2,8 bouquins par an.

[^3]: Tu cherches pas des allitérations de gros niveau, sinon ? Parce que là, justement, je les solde.

[^4]: Et plus particulièrement depuis le 11 septembre 2001, quand les attentats que tu sais ont fini de libérer dans l’espace public, pour ce qui touchait aux musulman(e)s, une logorrhée désinhibée – défiltrée, même, diraient d’aucun(e)s.

[^5]: L’État, j’aime à le rappeler, lui consent chaque an plusieurs millions d’euros d’aides publiques, qui sponsorisent notamment sa fustigation discrètement obsessionnelle de la France des « assistés » et autres « tire-au-flanc » : chômeurs, fonctionnaires, etc.

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De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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