Évacuation de Roms : beaucoup d’inégalités de traitement

La Ligue des droits de l’homme révèle les chiffres 2014 sur les évacuations forcées de lieux de vie occupés par des Roms étrangers en France. Ce bilan amer appelle les collectivités à la responsabilité.

Charles Thiefaine  • 4 février 2015
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Évacuation de Roms : beaucoup d’inégalités de traitement
© Photo: Evacuation d'un camp de Roms à Villeurbanne en octobre 2014 (PHILIPPE DESMAZES / AFP)

13 483 expulsions de Roms ont été recensées en France en 2014. D’une région à l’autre, la répartition du nombre d’évacuations forcées est très inégalitaire. Pourtant, aucune corrélation n’existe entre ces expulsions et le pourcentage de la population totale ou la proportion de Roms par région.

« Recette magique »

Soixante-dix Roms ont été expulsés par arrêté municipal à Noisiel (Seine-et-Marne), mardi 27 janvier. Contrairement aux promesses de la préfecture, aucun relogement n’a été prévu. « Certaines régions ont un programme d’insertion et d’intégration plus développé que d’autres » , explique Philippe Goossens, militant de la Ligue des droits de l’homme (LDH) lors d’une conférence de presse organisée hier à Paris sur les évacuations forcées recensés en 2014. À l’inverse, dans de nombreuses communes, « on constate une recrudescence d’arrêtés municipaux » , affirme Manon Fillonneau, membre de l’European Roma Rights Centre (EERC) lors de la conférence. « Ils permettent d’appliquer des expulsions dans un délai de 48 heures, sans aucun recours suspensif à la disposition des habitants visés par la mesure » , ajoute-t-elle.

Philippe Goossens ironise : « C’est une recette magique. » En effet, il est difficile de les contrer juridiquement. Ces arrêtés représentent un tiers des motifs et se manifestent comme un détournement de la justice et des droits. Par l’usage de prétextes comme le caractère dangereux des campements, les risques d’incendies ou les risques d’accidents sur les voiries, certaines communes effectuent des expulsions répétées et faussement justifiées.

Sur 100 personnes interrogées, 4 sur 5 ont été expulsées entre 5 et 6 fois dans certaines régions

« Une politique inégale sur la question de l’expulsion et des évacuations de bidonvilles sur le territoire français crée des appels d’air » , explique Philippe Goossens. Par exemple, 17 % des expulsions ont été recensées en Rhône-Alpes alors que 8 % seulement de la population totale de Roms vit dans cette région. Le même rapport déséquilibré survient en Ile-de-France, dans le Nord-Pas-de-Calais ou en Provence-Alpes-Côte-d’Azur. Philippe Goossens rapporte : « Sur 100 personnes interrogées, 4 sur 5 ont été expulsées entre 5 et 6 fois dans certaines régions. » Au contraire, les Pays-de-Loire recensent 8 % de Roms et moins de 1 % d’expulsions. Ainsi d’autres régions comme le Languedoc-Roussillon ou la Bretagne détiennent un pourcentage de personnes évacuées inférieur à celui de personnes recensées.

« Derrière ces chiffres, il y a des familles et des personnes qui souffrent. Il ne faut pas déshumaniser »

Jasmina Dragomir, jeune Rom de 21 ans, est arrivée en France de Roumanie il y a sept ans. Elle travaille aujourd’hui au service civique dans lequel elle a décroché un CDI au bout de quatre tentatives. Sourire aux lèvres, elle témoigne aux cotés des membres de la LDH des conditions d’expulsion difficiles auxquelles elle a assisté durant son enfance en Ile-de-France: « On était 200 familles, à 5 heures du matin, la police toque à notre porte et nous demande de partir. Les plus jeunes pleuraient et posaient pleins de questions. Ils ont dû quitter l’école. Ensuite, on a trouvé un hôpital désaffecté mais, à nouveau, la police nous a expulsés. »

Deux tiers des évacuations surviennent en Île-de-France. Cette « répartition inégalitaire sur le territoire » est, selon Philippe Goossens, provoquée par un abus de pouvoir de certaines communes.

À long terme, La LDH demande « l’arrêt des évacuations forcées des bidonvilles sans alternative de relogement sérieux et durable » . Tout en menant une politique de résorption des bidonvilles, Nadia Doghramadjian, militante de la Ligue des droits de l’homme, a appelé lors de la conférence à « une stabilisation, une sécurisation et un assainissement des lieux de vie dans les plus brefs délais » .

Société
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