Concurrence des antiracismes : halte au feu !

Depuis les années 1980, l’antiracisme s’est peu à peu fractionné. Après la grande manifestation du 11 janvier qui a fait suite à l’attaque contre Charlie Hebdo et aux assassinats antisémites de la porte de Vincennes, qu’en est-il ?

Denis Sieffert  • 5 mars 2015 abonné·es
Concurrence des antiracismes : halte au feu !
© Photo : AFP PHOTO / JEAN-PHILIPPE KSIAZEK

La crise de l’antiracisme ne date pas d’aujourd’hui. Elle était déjà en germe dans les années 1983-1984, avec la récupération politique de la Marche pour l’égalité et contre le racisme. On se souvient du contexte : la répression d’émeutes à Vénissieux, la percée électorale du Front national à Dreux et les accusations « d’intégrisme religieux » (déjà !) portées par le gouvernement socialiste contre les grévistes de Renault-Billancourt. C’est contre tout cela que la Marche avait été organisée. Un an plus tard, le Parti socialiste créait SOS Racisme. Tout était en place pour une politisation, au plus mauvais sens du mot. Puis le conflit israélo-palestinien est venu aggraver le climat.

Autour de cet abcès de fixation, l’antiracisme s’est peu à peu fractionné. Les uns, peu regardants sur les risques d’amalgames, dénonçant l’antisémitisme musulman, les autres l’islamophobie des dirigeants de la communauté juive. Mais c’est aussi la question coloniale qui ressurgissait, mettant face à face deux lectures de l’histoire. Victime collatérale de cet antagonisme, le mouvement féministe implosait dans le débat sur l’interdiction du voile islamique à l’école en 2004. Aujourd’hui, deux mois après la grande manifestation du 11 janvier qui a fait suite à l’attaque contre Charlie Hebdo et aux assassinats antisémites de la porte de Vincennes, qu’en est-il ? Le racisme, sous toutes ses formes, gagne du terrain. Quant au gouvernement, comme ceux de droite qui l’ont précédé, il est lui-même entré dans la logique communautaire qu’il prétend combattre. N’est-ce pas précisément ce que fait François Hollande quand il présente son plan de lutte contre l’antisémitisme devant un président du Crif qui vient de stigmatiser les « jeunes musulmans »  ? À l’exécutif aussi, on a envie de crier « halte au feu » !

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