Dernier avertissement

Ce ne sont pas les abstentionnistes qui font le jeu du FN, mais bien les « socialistes » à guillemets.

Sébastien Fontenelle  • 26 mars 2015 abonné·es

Je voulais t’entretenir ce jeudi [^2] de ce que nous avons récemment appris – maintenant que j’y repense, il s’agirait plutôt d’une confirmation que d’une révélation – de M. Buisson, Patrick, ex-plus-proche-conseiller de M. Sarkozy, Nicolas. Mais voilà que dimanche matin – jour d’élection [^3] –, sur le coup d’onze heures et des allumettes, je tombe sur mon vieux copain Lucien – dont je t’ai déjà parlé ici –, et le voilà qui me lance : « Toi aussi, t’es allé voter ? »

Je réponds : « Qu’est-ce que tu vois sur mon épaule, Lucien ? »

Lui : « Une canne à pêche ? »

Moi : « Exactement. Je vois que tu n’as rien perdu des qualités qui font de toi l’un des plus fins observateurs de la vie politique françousque. »

Lui : « T’es en train d’me dire que t’es (encore) pas allé voter ? »

Moi : «  You got it right [^4], Dwight. »

Lui : « Et t’as pas honte ? »

Moi : « De quoi ? »

Lui : « De faire le jeu du parti pénique ? 

Genre t’ouvres en grand les portes de la République exemplaire aux loups de l’extrême droite, bravo mon salaud. » Non, Lucien. T’es mon copain et je ne veux pas qu’on se fâche trop fort, mais là, je te le dis un peu nettement, tu commences à me galoper sur les parties basses [^5] avec tes jugements péremptoires et discrètement dégueulasses, les mêmes depuis vingt ans – et tes accusations à la con, du style : les abstentionnistes ? La Pen leur dit merci. Je reprends, pour la dernière fois, parce que j’ai l’impression que je t’ai déjà expliqué ça vingt-cinq mille fois et que c’est tout comme si j’avais plutôt pissé dans autant de violons : ce ne sont pas – du tout – les abstentionnistes qui font le jeu du FN.

Mais bien – écoute-moi attentivement, Lucien – les « socialistes » à guillemets qui, depuis tant d’années qu’on ne les compte plus, agitent avant chaque scrutin l’épouvantail de l’extrême droite et jurent qu’ils sont l’antidote… Puis n’ont de cesse, sitôt qu’élu(e) s, d’alimenter de leurs constants reniements & trahisons (et de leur républicanisme à deux balles) les désespérances (et les peurs) où prospère [^6] la propagande faffe… Puis tout recommence… Tu peux continuer à donner ta voix à ces gens-là, Lucien, mais alors je t’en préviens : la prochaine fois qu’on se croisera au matin d’une élection, c’est toi qui auras, de fait, fait la joie de la Pen. Et là ? On ne sera plus potes du tout.

PS (sans guillemets) : fais-moi penser qu’il faut quand même qu’on se reparle de M. Buisson, de ses considérations sur les juifs – telles que les rapportent les deux journalistes du Monde qui viennent de consacrer un ouvrage à ce personnage – et de l’admirable retenue dont le gratifient les mêmes crapules médiatiques qui passent sinon de gros morceaux de leur temps à hurler à « l’antisémitisme des banlieues ».

[^2]: Qui est en réalité un lundi, quand j’écris ces lignes, mais tu vois ce que je veux dire.

[^3]: Longtemps je me suis demandé : « Que serais-je sans les tirets ? » Je n’ai toujours pas de réponse à cette question, mais j’ai arrêté de m’en préoccuper, ça devenait trop flippant.

[^4]: Comme moi, Lucien est multiglotte.

[^5]: Aucun rapport avec Saddam Hussein.

[^6]: T’ai-je dit combien j’emmerdais l’électorat du FN ?

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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