Airparif puni pour avoir annoncé les pollutions

Claude-Marie Vadrot  • 15 avril 2015 abonné·es
Airparif puni pour avoir annoncé les pollutions
© Photos: Jean-Felix Bernard, President d'Airparif (AFP PHOTO / LIONEL BONAVENTURE).

Le gouvernement et la ministre de l’Écologie viennent de punir Airparif, l’organisme de surveillance de la pollution de Paris et de l’Île-de-France en diminuant la contribution de l’État de 40 à 20 %. Une punition infligée à une association qui égrène les « mauvaises nouvelles » en informant 10 millions d’habitants de Franciliens qu’ils respirent de plus en plus fréquemment un air chargé de particules fines et de dioxyde d’azote. Produits rejetés par les véhicules alimentés au diesel, par les camions qui circulent de plus en plus nombreux autour de la capitale, par les industriels qui ignorent les recommandations officielles en cas de pics de pollution et par les agriculteurs industriels qui épandent généreusement engrais et pesticides dans les grandes plaines céréalières de l’Île-de-France.

Un organisme ancien

Créé en 1979 par le ministère d’Environnement puis intégré dans les dispositifs de la loi sur l’air de 1996, loi qui, par ailleurs, n’a jamais été vraiment respectée en Île-de-France, à Marseille, à Lyon ou dans la région de Rouen (par exemple), Airparif est une association loi de 1901 à but non lucratif. Elle est agréée par le ministère de l’Écologie, et son conseil d’administration comprend des représentants de l’État, des collectivités territoriales de la Région, des associations agréées de protection de l’environnement, des personnalités qualifiées dans le domaine de la pollution atmosphérique et des représentants des diverses activités qui contribuent à l’émission des substances polluantes. Cette pluralité, voulue par la loi, a pour objet de garantir l’indépendance de l’organisme et donc l’objectivité des mesures, des résultats et de ses publications quotidiennes. Le président de l’association est Jean-Félix Bernard. Cet ancien président du Conseil national de l’air, organisme qui n’a plus guère d’activité connue, a le grand tord d’avoir alerté fermement sur les dangers de la pollution de l’air et de venir des Verts. Il a notamment, en 2003, osé chiffrer le nombre des morts prématurés par pollution lors de la canicule de 2003 ; et de rappeler régulièrement, comme le fait l’Organisation mondiale pour la santé, les décès également prématurés provoqués par la pollution permanente de Paris et de l’Île-de-France. Sans en oublier les conséquences graves sur le budget de la Sécurité sociale.

Victime des pressions

L’État socialiste, comme les précédents, reproche à Aiparif d’inciter par son travail la maire de Paris et le président de Région (bien plus discrètement…) à réclamer des procédures automatiques de déclenchement de la circulation alternée à Paris et dans ses environs. Et de réclamer le bannissement des camions et des véhicules polluants de Paris, du périphérique et de quelques axes autoroutiers. Airparif vient donc d’être victime des efforts conjugués des associations d’automobilistes, des industriels, des propriétaires de flottes de camions et de l’agrobusiness mené par la FNSEA, dont le président est un céréalier. En mettant en avant, comme la ministre de l’Écologie, le travail « sectaire » de cet organisme.

Un exemple dans le monde entier

Pourtant, peu à peu constitué et amélioré, le réseau des 155 capteurs et d’analyseurs (52 en temps réel) de la qualité de l’air à Paris et en Île-de-France fait l’objet de commentaires flatteurs pour son efficacité dans le monde entier. Ses spécialistes ont peu à peu tout inventé dans ce domaine et leurs techniques d’annonce des épisodes de pollution ne sont contestées par aucun scientifique. Ce réseau a fait des émules dans le reste de la France et dans le monde entier.

Faute d’argent, faute de pouvoir en trouver puisque l’État « punit » cette association, Airparif n’aura pour solution que de licencier des chercheurs, des ingénieurs et des techniciens qui ont inventé, par exemple, les rayons laser qui d’un capteur à l’autre fournissent un état permanent de la qualité de l’air dans les zones les plus touchées. Alors que cet organisme n’emploie qu’une soixantaine de salariés dont la fonction sociale et écologique ne peut pas être mise en doute. Mais sa fonction politique paraît gêner.

Comme s’il n’était pas avéré depuis des lustres que ce n’est pas en cassant le thermomètre que l’on fait disparaitre la fièvre.

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