Au nom de la dette…

Une proposition de résolution des députés du Front de gauche suggère d’attaquer les politiques récessives à la source.

Michel Soudais  • 30 avril 2015 abonné·es
Au nom de la dette…
© Photo : AFP PHOTO / ERIC FEFERBERG

Il se pourrait bien que ce soit une première. Le 7 mai, les députés débattront de la dette dans l’hémicycle. L’initiative en revient aux députés du Front de gauche, qui ont mis à profit leur « niche parlementaire » – séance annuelle où ils sont maîtres de l’ordre du jour – pour soumettre à leurs collègues une « proposition de résolution européenne relative à la dette souveraine des États de la zone euro ». Nicolas Sansu, son rapporteur, ne cache pas s’appuyer sur les travaux du Collectif pour un audit citoyen de la dette et d’économistes hétérodoxes. « La dette est un formidable outil de domination et de pression sur les politiques publiques ainsi que sur les choix économiques et sociaux », explique-t-il.

À l’appui de cette proposition de résolution, qui s’attaque au « fétichisme des 2 000 milliards » au nom duquel sont justifiées toutes les politiques récessives, le député-maire communiste de Vierzon publie un rapport sur le site Internet de l’Assemblée. Il y rappelle les origines de la dette, conteste qu’elle résulte d’ « un surcroît de dépenses publiques et sociales », discute d’un moratoire et aborde la question de la dette illégitime, qui pourrait être abandonnée dans le cadre d’une restructuration. Toutes questions qui, souligne-t-il, « n’ont droit de cité ni dans l’hémicycle ni dans les débats orthodoxes », et que la proposition de résolution des députés du Front de gauche vise précisément à populariser.

Cette résolution décline six propositions ** adressées au gouvernement pour qu’il agisse, seul ou auprès de ses partenaires européens : organisation d’une grande conférence européenne sur la dette ; transparence sur les détenteurs finaux des titres de dette ; nécessité de mettre en place des outils de financement de la dette hors marchés financiers ; nécessité d’une véritable séparation bancaire et d’une véritable taxe sur les transactions financières pour réguler le secteur financier ; urgence d’un débat sur les conséquences de la politique monétaire de la BCE et son lien avec l’explosion des inégalités ; exigence d’un arrêt des politiques récessives et d’austérité. Sans être révolutionnaires, ces propositions n’ont aucune chance d’être approuvées par une majorité de députés. Si le projet de résolution a reçu l’aval de la commission des Affaires européennes, il a été rejeté le 23 avril en commission des Finances, les socialistes s’y opposant. « Si on avait seulement demandé une conférence européenne de la dette, ils auraient eu du mal à s’y opposer », s’amuse Nicolas Sansu. Mais demander d’arrêter les politiques d’austérité est impensable : « Nous n’en menons pas, donc nous ne voterons pas une proposition qui prétend cela », s’est justifié Dominique Lefebvre, député PS du Val-d’Oise. Pas question non plus de cautionner un texte qui sous-entend que le gouvernement freine la mise en place d’une vraie taxe sur les transactions financières. Sortir des marchés ? Une mauvaise idée, estime le député de Paris Christophe Caresche, « ils nous permettent d’emprunter à des taux négatifs » .

Même la politique de la BCE n’est plus critiquable aux yeux des socialistes : en injectant des milliards de liquidités, Mario Draghi aurait tout changé grâce à la France. Une injection massive que Nicolas Sansu juge « dangereuse »  : « Si la BCE avait mis 100 milliards dans un fonds d’investissement pour la transition écologique, ça aurait été un super coup. Mais, tributaire de ses canons orthodoxes, elle gave de liquidités les banques privées, qui en font des titres pour que la Bourse rachète des actions. On est chez les fous ! »

Politique
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