France Télé : à qui le job ?

Déjà sous pression à la suite du mouvement social à Radio France, le CSA a quelques semaines pour choisir le prochain patron du service public. Un choix politique.

Jean-Claude Renard  • 9 avril 2015 abonné·es
France Télé : à qui le job ?
© Photo : Marie-Christine Saragosse AFP PHOTO / ERIC FEFERBERG

Dites 33 ! C’est le nombre de candidats qui postulent aujourd’hui à la présidence de France Télévisions. Pas moins. Se bousculent au portillon Rémy Pflimlin, candidat à sa propre succession ; Christophe Beaux (la Monnaie de Paris) ; Alexandre Michelin (Microsoft, ex-France 5) ; Didier Quillot (ex-Lagardère) ; Serge Cimino (journaliste à France 3, délégué SNJ) ; Éric Garandeau (ex-CNC) ; Nacer Kettane (président fondateur de Beur FM) ; Mathieu Bellinghen (journaliste à France 3) ; Cyril Hanouna (trublion du PAF qui fait là son Coluche, sans le talent) ; et enfin Marie-Christine Saragosse (ex-TV5 Monde et présidente actuelle de France Médias Monde regroupant RFI, France 24, Monte Carlo Doualiya).

On l’aura remarqué : une seule femme pour neuf hommes. Une curiosité intéressante : celle des deux journalistes de France 3, dans une certaine mesure candidats des salariés. Pour le reste, motus. Soit une vingtaine de candidatures anonymes. Quelques noms sont sortis dans la presse, tels Robin Leproux, Emmanuel Hoog, Delphine Ernotte ou Pascal Josèphe. C’est que le CSA a accepté les candidatures non officielles pour ne pas fragiliser celles et ceux déjà à la tête d’une entreprise privée. Dans les jours à venir, le CSA établira une liste restreinte qui pourrait être rendue publique, sauf si l’un des candidats s’y oppose. Bref, on ne saura pas. Les auditions ne seront pas révélées non plus. S’agissant du service public, on peut s’étonner d’autant de mystère et d’opacité sur le processus. Même l’UMP (Sébastien Huyghe) s’est émue de « l’absence totale de transparence » dans ce processus de désignation. Il est vrai que, du temps de Nicolas Sarkozy, on ne s’embarrassait pas de mystère : l’Élysée choisissait directement ! En février 2014, arguant de son indépendance, le CSA avait surpris son monde en désignant à l’unanimité, face notamment à Anne Durupty et Martin Ajdari, le plus jeune des postulants à la tête de Radio France : Mathieu Gallet (37 ans), estampillé à droite (ancien des cabinets ministériels de Christine Albanel et de Frédéric Mitterrand sous Sarkozy). Le long mouvement social à la Maison ronde et les révélations successives du Canard enchaîné sur Gallet placent aujourd’hui le CSA sous pression et sous haute surveillance. L’indépendance a des limites ! Pas sûr qu’il nomme cette fois quelqu’un comme Éric Garandeau (42 ans), ancien conseiller culture de Sarkozy… Dans ce sens, ne serait-ce que parce que c’est une femme, proche de Hollande, Marie-Christine Saragosse aurait toutes ses chances. Quid de Rémy Pflimlin, nommé par Sarkozy, qui « souhaite poursuivre sa mission »  ? Son bilan dressé par le CSA voilà quelques mois, plutôt cinglant, ne laisse guère de doute sur la suite.

Dans tous les cas, la tâche s’annonce âpre pour le prochain patron du service public. Il s’agit de gérer plus de 10 000 personnes, tandis que le climat social actuel est tendu. Les grèves sont récurrentes, principalement pour s’opposer à une réorganisation du travail, au projet « Info 2015 » qui entend fusionner les rédactions, et à la menace d’une baisse des effectifs. Le groupe est aussi plombé par l’affaire Bygmalion – juteux contrats, favoritisme et prise illégale d’intérêts –, placée entre les mains du juge Van Ruymbeke, et doit lui aussi faire face aux baisses des dotations de l’État (de 420 à 115 millions d’euros entre 2012 et 2014). Le prochain président n’en connaît pas moins les priorités affichées par le gouvernement : développer le numérique, soutenir la création française à travers une politique d’achat et d’investissement ambitieuse, rajeunir l’audience, promouvoir la diversité et renforcer l’information. En somme, il devra faire mieux, mais avec moins de moyens. Sans la possibilité de faire revenir la pub après 20 heures. Autre élément de taille dans cette nomination pour cinq ans : la mandature enjambera l’élection présidentielle de 2017. Et l’exécutif n’a sans doute pas envie de laisser passer l’occasion de contrôler, sinon d’encadrer, le choix des huit membres du CSA. Un choix, éminemment politique, qui se fera entre le 22 avril et le 22 mai.

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