L’antiterrorisme attendra

Contraint par la loi de quitter ses fonctions, le juge Marc Trévidic abandonne ses dossiers sensibles.

Christophe Kantcheff  • 9 avril 2015 abonné·es

Le juge Marc Trévidic est en passe de déménager. Le célèbre magistrat du pôle antiterroriste doit quitter ses fonctions à l’automne pour occuper la vice-présidence du tribunal de grande instance de Lille. Une loi le veut ainsi. Adoptée par le gouvernement Jospin en 2001, elle contraint les juges ayant une fonction spécialisée d’abandonner leur tâche au bout de dix ans. L’intention était louable : éviter toute dérive déontologique en raison d’une trop longue immersion dans un dossier et une fréquentation assidue de ses acteurs. Mais l’exécution de cette loi devient plus délicate quand le magistrat en question travaille sur des sujets sensibles. Ce fut le cas, par exemple, de Marie-Odile Bertella-Geffroy, ex-coordonnatrice du pôle de santé publique au tribunal de grande instance de Paris, qui dut se retirer sans pouvoir mener à terme l’instruction du scandale de l’amiante.

Marc Trévidic était, quant à lui, en charge de dossiers dont les implications politiques peuvent se révéler très gênantes. C’est le cas de l’attentat de Karachi, en 2002, dont l’enquête, menée par le magistrat à la suite de Jean-Louis Bruguière et de Jean-François Ricard, n’écartait pas l’hypothèse de représailles des services secrets pakistanais, après le non-versement présumé de rétrocommissions par l’État français. Un dossier qui pourrait concerner de hauts responsables politiques, y compris l’ancien président de la République, Nicolas Sarkozy. Idem pour l’affaire de l’assassinat du Président rwandais Juvénal Habyarimana, en 1994. Ou celle, encore, du meurtre des moines de Tibhirine, en 1996, pour laquelle Marc Trévidic, il y a quelques mois, s’était rendu sur place dans le cadre d’une mission spéciale, au grand dam des autorités algériennes, lesquelles préféreraient que la thèse incriminant des membres du Groupe islamique armé (GIA) ne soit pas démentie. En combien de temps le nouveau magistrat en charge de ces dossiers atteindra-t-il le même niveau d’expertise ? « Quand on arrive, on ne connaît pas la matière et il faut trois ou quatre ans pour être efficace », a expliqué Marc Trévidic sur une chaîne de radio. L’obligation qui lui est faite d’abandonner le pôle antiterroriste aura au moins pour conséquence de retarder le travail de la justice.

Société Police / Justice
Temps de lecture : 2 minutes

Pour aller plus loin…

« À la Philharmonie de Paris, le public nous a littéralement lynchés »
Palestine 11 novembre 2025

« À la Philharmonie de Paris, le public nous a littéralement lynchés »

Jeudi 6 novembre, le collectif Palestine Action France a perturbé la tenue du concert de l’Orchestre philharmonique d’Israël à la Philharmonie de Paris. Des militants se sont fait violemment frapper par des spectateurs. Pour la première fois, une participante prend la parole pour expliquer sa version des faits.
Par Pierre Jequier-Zalc
Déportation de Salah Hammouri : la compagnie aérienne El Al visée pour complicité dans une plainte
Justice 11 novembre 2025 abonné·es

Déportation de Salah Hammouri : la compagnie aérienne El Al visée pour complicité dans une plainte

L’avocat franco-palestinien a déposé plainte pour crimes de déportation, persécution et ségrégation. Parmi les mis en cause, la compagnie aérienne israélienne ayant procédé à sa déportation en décembre 2022.
Par Pauline Migevant
Philharmonie de Paris : le contenu des deux plaintes pour violence volontaire
Révélations 10 novembre 2025

Philharmonie de Paris : le contenu des deux plaintes pour violence volontaire

Lors de l’action contre la tenue du concert de l’Orchestre philharmonique d’Israël à la Philharmonie de Paris, jeudi 6 novembre, deux militants propalestiniens se sont violemment faits frapper. Blessés, ils ont porté plainte pour violence volontaire.
Par Pauline Migevant et Pierre Jequier-Zalc
Alix*, blessée à Sainte-Soline : « Les gendarmes ont eu la permission de tuer »
Entretien 6 novembre 2025

Alix*, blessée à Sainte-Soline : « Les gendarmes ont eu la permission de tuer »

Elle a été blessée gravement lors de la manifestation contre les mégabassines, en mars 2023 et déposé plainte. Pour Alix*, les révélations de Mediapart et Libération démontrent le caractère institutionnel de la violence au sein de la gendarmerie.
Par Pierre Jequier-Zalc