Radio France : Haro sur le service public

Le conflit social à Radio France a mis en lumière la casse de l’audiovisuel public orchestrée par le gouvernement.

Jean-Claude Renard  • 16 avril 2015 abonné·es
Radio France : Haro sur le service public
© Photo : AFP PHOTO / THOMAS SAMSON

Mardi 14 avril, la grève à Radio France en était à son 27e jour. Record historique (en 2005, revendiquant alors une hausse des salaires, le mouvement avait duré 19 jours). Devant l’impasse des négociations, Fleur Pellerin avait nommé (enfin) le 9 avril un médiateur, Dominique-Jean Chertier. Les syndicats le réclamaient depuis le début du conflit (tout comme le CSA). Il était temps. Ex-directeur de l’Unedic, entre 1992 et 2002, ex-conseiller social de Raffarin, en 2003, président du conseil d’administration de Pôle emploi, Chertier est notamment à l’initiative de la dégressivité des allocations chômage. Pas de quoi exalter les syndicats. Sitôt nommé, il espérait une reprise du travail le week-end qui suivait. Raté.

Depuis la grève entamée le 19 mars ** (à l’appel de la CGT, de la CFDT, de l’Unsa, du SNFORT et de SUD), les revendications des syndicats restent intangibles : non à l’externalisation des services d’entretien et de sécurité, non à la réforme des modes de production, non à la dislocation des orchestres, non aux mutualisations de programmes sur France Bleu, et maintien des effectifs contre un plan de départs volontaires de 250 à 330 postes (équivalents temps plein), qui représenterait entre 17 et 24 millions d’euros d’économies. Ces revendications entendent répliquer aux restrictions budgétaires imposées à Radio France par son ministère de tutelle. Au programme : combler un déficit de 21,3 millions d’euros et réaliser une économie de 50 millions d’euros d’ici à 2019, dans un contexte difficile, plombé par les travaux de rénovation de la Maison ronde (atteignant les 584 millions d’euros en 2014, contre un budget initial de 176 millions). Un casse-tête trésorier qui correspond à un assèchement du financement de l’audiovisuel public en général, touchant également France Télévisions, Arte, France Médias Monde et l’INA, depuis que le gouvernement a décidé, en juillet 2014, la quasi-suppression de ses dotations (complétant les ressources de la redevance), ces dotations passant de 292 millions d’euros en 2012 à seulement 29 millions d’ici à 2017. Pour Radio France, d’une facture à l’autre, « le manque à gagner est de 87 millions d’euros », rappelle Lionel Thompson, secrétaire SNJ-CGT à la Maison ronde. Soit une véritable casse du service public, un désengagement consternant de la part d’un gouvernement socialiste. Dans l’obligation de boucler son contrat d’objectifs et de moyens pour 2015-2019 (ce qui pourrait être reporté vu la situation), Mathieu Gallet se retrouve ainsi coincé entre sa tutelle, le CSA qui l’a nommé (voir Politis n° 1348) et les syndicats. Malgré la mobilisation, la direction s’est montrée pingre en concessions, avec un recul sur la fusion des deux orchestres pour un « redimensionnement », et sur l’externalisation des services d’entretien, tandis que la tutelle a promis une enveloppe supplémentaire pour achever le chantier de la Maison ronde.

Au bout d’un week-end de tractations, Chertier a donc rendu son texte de propositions. Un texte bien décevant, avec seulement une « négociation » sur l’avenir du service accueil et sécurité, une « base d’études internes sur la réforme des modes de production » et, plus flou encore, soulignant « l’importance du réseau local », tout en préconisant que « toute opération nouvelle de syndication ne soit appliquée qu’après expérimentation et évaluation complète et partagée (avec les personnels concernés) ». En somme, on n’y lit « aucune garantie pour l’emploi », dit Jean-Paul Quennesson, délégué SUD à Radio France. Surtout pas à France Bleu, dont la mutualisation des programmes, qui existe déjà, abandonnant l’avantage de la proximité, pourrait coûter encore entre 60 et 80 emplois, et pour qui, en l’état, « cette grève n’aurait servi à rien », selon un commentaire en interne. « Ce n’est donc pas le moment de lâcher. » Et quid du plan de départs volontaires ? Résultat, les syndicats ont reconduit la grève, en demandant une prolongation de la médiation. In fine, personne ne sortira indemne du conflit, surtout pas le service public.

Médias
Temps de lecture : 3 minutes