Un collège de Bobigny bloqué par les parents depuis une semaine

Des parents d’élèves bloquent l’accès au collège Pierre-Sémard à Bobigny depuis une semaine. Les 40 enseignants sont en classe devant 0 élève. Pas de réaction de l’inspection d’académie pour l’heure.

Ingrid Merckx  • 9 avril 2015
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Un collège de Bobigny bloqué par les parents depuis une semaine
© Photo : DR Plus d'informations sur le [blog](http://pierresemarreenrep.unblog.fr) de Pierre Sémard

Inédit. De mémoire d’enseignants , ils n’avaient jamais vu ça : les quarante professeurs du collège Pierre-Sémard à Bobigny (Seine-Saint-Denis) sont stupéfaits de la mobilisation des parents des 600 élèves de leur établissement. Voici une semaine qu’ils bloquent l’accès au collège pour protester contre la baisse de la dotation horaire globale (DHG), soit le nombre d’heures d’enseignement prévues par établissement chaque année, convertibles en postes d’enseignant. Le blocage est symbolisé par des ficelles de chantier blanches et rouges qui ont été déployées devant la porte d’entrée.

« Tous les matins, il y a peut-être deux ou trois élèves qui se présentent. Tous les autres ont été gardés à la maison. La dizaine de parents qui maintiennent le blocage leur expliquent la situation et les élèves rentrent chez eux , témoigne Aurore Monet, professeur d’anglais dans cet établissement classé Réseau d’éducation prioritaire (REP). Les parents d’élèves des deux fédérations, FCPE et GPEI (indépendante), font une communication incroyable en utilisant tous les moyens à leur disposition : téléphone, Internet, discussions devant le collège… »

Jeudi 9 avril, pour la cinquième journée de cours consécutive devant zéro élève, les enseignants se sont réunis en assemblée générale avec les parents. « On est tous unis contre la baisse de la DHG , poursuit cette enseignante, mais le mouvement est à leur initiative : quand l’inspection d’académie nous répond que nous devons rouvrir l’établissement pour entamer une négociation, nous sommes ennuyés. C’est avec les parents qu’il faudrait d’abord discuter… » Ce qui achève de les mettre en colère : « Si on était à Paris, l’inspection aurait-elle laissé l’établissement dans cette situation ? On se sent vraiment abandonnés en Seine-Saint-Denis… »

«On se bat depuis le début de l’année ! , tempête Amal Igli, parent élu au sein de la GPEI. Contre la baisse de moyens, contre le non remplacement des enseignants absents : le collège a une classe bilingue-allemand mais quasi pas de professeur d’allemand depuis la rentrée de septembre. Parmi les enseignants, 25 % sont des contractuels. Au niveau des compétences, ça n’est pas satisfaisant : nous avons même réclamé des inspections pour certains. Quand nous avons appris la baisse de la DHG, nous avons vu rouge. Nous en sommes en ZEP, avec déjà 25, 26 élèves par classe, des problèmes scolaires mais aussi de comportement : des effectifs plus importants dans cet établissement, ça n’est pas envisageable.»

Vendredi 10 avril, sixième journée de cours sans cours, le Rectorat leur a donné rendez-vous à 11 heures pour 14 heures. «Mais nous sommes au travail, s’agace Amal Igli, nous avons du faire un courrier pour demander un nouveau rendez-vous.»

« Toujours faire plus avec moins »

« La dotation horaire globale (DHG) a augmenté de 2,47 % dans le département pour une évolution démographique prévisionnelle de 1,4 %, assurait le nouvel inspecteur d’académie Christian Wassenberg dans Le Parisien (23 mars 2015). Le problème, c’est que les enseignants ont l’impression d’avoir moins d’heures car ils ont moins d’heures en face-à-face avec les élèves. Mais l’idée est de leur dégager du temps pour travailler ensemble et se concerter car ce temps commun aura des répercussions sur les élèves. »

« Ça, c’est ce que prévoit la réforme du collège , rétorque Aurore Monet. Mais nous n’y sommes pas. Ce qui se réduit aujourd’hui, ce sont directement les heures d’enseignement : ma collègue de français avait 4 classes pour 22 heures devant élèves par semaine. À la rentrée de septembre, elle devrait passer à 18 heures par semaine. »

En huit ans, Pierre-Sémard a connu une hausse de 140 élèves sur son effectif global sans aucune heure supplémentaire dans la DHG, laquelle est passée de 800 heures à 780. Les enseignants ont perdu toute possibilité de travailler en demi-groupes.

« On parle d’“apartheid social”, on nous assure que le ministère a pris la mesure du problème , reprend Aurore Monet, mais, en réalité, on continue à nous demander de faire plus avec moins. »

D’autres collèges de Bobigny, comme le collège République qui a levé son blocage la semaine dernière, soutiennent Pierre Sémard et des actions communes sont envisagées.

Société Travail
Temps de lecture : 4 minutes
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