Une colère brûlante contre le désastre libéral

Directeur des Éditions de la Différence, Claude Mineraud livre une vigoureuse critique du système capitaliste.

Denis Sieffert  • 30 avril 2015 abonné·es
Une colère brûlante  contre le désastre libéral
© **La Mort de Prométhée** , Claude Mineraud, Éditions de la Différence, 160 p., 16 euros.

C’est peu dire que l’homme a la gnaque. Octogénaire depuis déjà quelques années, Claude Mineraud, devenu éditeur sur le tard, nous offre un pamphlet enlevé et percutant sur les maux de notre époque. Un réquisitoire anticapitaliste qui n’est pas que véhément – il l’est ! –, mais qui est aussi instruit par l’expérience d’un passé d’entrepreneur, témoin en première ligne de la transformation de l’économie réelle en finance. Car tout est là et tout en découle.

Et voilà pourquoi Prométhée, le Titan qui a dérobé le feu de la connaissance aux dieux pour le donner aux hommes, va mourir. Puisque telle est la métaphore que file l’auteur pour illustrer l’enchaînement mortifère des mécanismes que les hommes d’aujourd’hui ont mis en place et qu’ils ne peuvent plus contrôler. Des mécanismes institutionnels et financiers qui ont fait de la France une « toupie désorientée par la main de démiurges sans boussole ». C’est la soumission de l’État à « l’idéologie de la déréglementation » que déplore par-dessus tout Claude Mineraud. Et l’extinction qui s’ensuit du débat démocratique. Analysant longuement « la débâcle des subprimes », il prophétise un désastre plus gigantesque encore en raison de « l’incapacité biologique  [du système]  » à ne pas enchaîner les mêmes  « expériences ». L’une des manifestations de cet effet de répétition est l’incorporation ou le maintien au plus haut niveau de l’administration fédérale américaine de dirigeants de la banque d’affaires Goldman Sachs. Ceux-là mêmes qui ont eu des responsabilités accablantes dans la crise de 2008. Les faillis sont promus. L’analyse qui vient ensuite sur les causes de l’effondrement du système soviétique n’est pas la meilleure partie de l’ouvrage, mais celle des conséquences est nettement plus convaincante. C’est l’expansionnisme d’un système libéral qui ne connaît plus de frein et qui « a perdu l’intelligence de s’imposer à lui-même des limites ».

Claude Mineraud prédit un effondrement de la puissance américaine, qui, par son endettement, s’est mise dans les mains de Pékin. Le cataclysme entraînera la faillite des fonds de pension, piliers de la nouvelle économie. L’auteur y voit rien de moins que les effets d’une « Troisième Guerre mondiale », commencée il y a une quarantaine d’années avec la mondialisation financière. Au terme de cet essai haletant, on guette l’espoir. La petite lumière ou ce qui reste du feu de Prométhée. En vain. « La mutation de l’homme par l’homme n’aura pas lieu, nous dit Mineraud, c’est la haute technologie, impossible à arrêter  […], qui transformera l’homme dans quelques générations. » S’il ne lui arrive pas malheur d’ici là.

Idées
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