Comme des chiffonnières

La télé-réalité féminine ? Un rêve de misogyne.

Marie-Édith Alouf  • 13 mai 2015 abonné·es

Comment ça, vous ne connaissez pas Cristina Cordula ? Mais si, voyons  *: « Ma chériiiiiiiiiiie, tu es ma-gni-faï-que ! »* Ça vous dit quelque chose ? Voilà, c’est elle, cette grande brune portant beau la cinquantaine, ex-mannequin originaire du Brésil, reconvertie dans la télé-réalité chiffonnière avec « Cousu main » et « Les Reines du shopping », sur M6. « Cousu main » met en compétition des couturiers amateurs à coups de « défis », du genre : « Vous avez deux heures pour transformer une chemise à carreaux pour homme en salopette à pois pour bébé. » À la fin de l’épreuve, deux professionnels à mètre-ruban et pas un dé à coudre d’humour vous scrutent les finitions et déterminent qui aura la chance de revenir la semaine suivante confectionner une robe de soirée en moins de temps qu’il n’en faut pour cuire un quatre-quarts.

Dans le genre télé-réalité, ce « Cousu main » fait plutôt dans la dentelle, avec des candidats réellement habiles de leurs doigts et guère venimeux entre eux. Mais « Les Reines du shopping », c’est une autre paire de manches raglan. Le principe consiste à lâcher cinq femmes dans des boutiques de mode avec 300 ou 400 euros et, là encore, un « défi » : rapporter une tenue complète pour un premier dîner en amoureux, un entretien d’embauche, une rencontre avec ses beaux-parents, un plan à trois à Marseille (heu… non, là je confonds, je crois). Après quoi, chacune défile devant les autres avec ses trouvailles et se voit attribuer une note (inscrite au rouge à lèvres, forcément) par ses concurrentes et la cheffe de rayon, Cristina Cordula (laquelle est obsédée par les collants chair, je le signale aux apprentis psychanalystes qui voudraient se pencher sur le sens de cette phobie).

La touche ultime de perversité de cette émission, c’est le casting savamment scénarisé des shoppeuses, propre à exciter la compétition interne et les attaques au physique. Ainsi, vous trouverez systématiquement une bimbo à taille de guêpe et formulations approximatives ( « Je mets un doigt d’honneur à toujours assortir mes tenues » ), une sexagénaire peau de vache et une abonnée aux grandes tailles dans le groupe de cinq niquedouilles prêtes à se tatanner la face pour remporter mille euros.

Le résultat ? Un rêve de misogyne. Car ces dames ne se contentent pas de courir toutes rouges d’une boutique à l’autre comme des gamines énervées, elles se balancent des commentaires XXL (« Le point faible de Catherine, ça va être la ringardise », pronostique Marie-France. « Du plissé ? Je crois que je vais vomir », confie la délicate Fabienne). Vous avez dit superficielles, dépensières, vaniteuses, jalouses, mesquines ? Hmmm, c’est bien, ça fait progresser les représentations, cette affaire. C’est frais. Et puis, ce qui est chouette, c’est que ce n’est pas indécent du tout, en ces temps de crise économique…

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