Dans le monde merveilleux de Solferino, tout le monde il est content

Les lendemains de vote au PS ressemblent à bien des soirées électorales quand, sur les plateaux de télévisions, les représentants des forces politiques concurrentes ont tous un bon motif de se réjouir du résultat.

Michel Soudais  • 24 mai 2015
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Dans le monde merveilleux de Solferino, tout le monde il est content

Illustration - Dans le monde merveilleux de Solferino, tout le monde il est content

Sitôt connues les grandes tendances du vote des militants sur les quatre textes programmatiques en lice pour le congrès de Poitiers (5-7 juin), nous avons eu droit à un concert d’autosatisfaction trop consensuel pour être honnête.

Jean-Christophe Cambadélis tout d’abord. La motion « Renouveau socialiste » (A) qu’il conduisait obtient la majorité absolue, comme il le souhaitait. Elle termine même avec un score supérieur (60 %) aux prévisions les plus optimistes de ses « compteurs ». D’accord, 39.259 voix pour un texte paraphé par tout ce que le parti compte de ministres au gouvernement, à commencer par Manuel Valls, l’immense majorité des parlementaires et l’essentiel de « l’appareil » du parti, c’est pas bien glorieux. Mais quel rabat-joie irait dire qu’avec le même nombre de voix sa motion aurait fait 29,8 % au congrès de Reims ? L’essentiel pour le Premier secrétaire et qu’ « il y a une majorité, il y aura une majorité absolue au Bureau national, au Conseil national et maintenant c’est la stabilité pour le Parti socialiste, c’est très important » .

Heureuse aussi Martine Aubry d’avoir contribué à cette victoire. « Regardez ce qu’il y avait écrit dans ma contribution, regardez la motion: J’ai beaucoup travaillé avec Jean-Christophe Cambadélis » , a affirmé lors d’une conférence de presse à Lille l’ancienne Première secrétaire du  PS , qui s’est réjoui d’avoir « tenu la plume » avec le Premier secrétaire du parti.
Lire > L’art socialiste du double langage
Elle n’est pas peu fière non plus de souligner que leur motion est arrivée largement en tête dans le Nord avec 71,61 % des voix.

François Hollande n’est pas moins satisfait des résultats. Interrogé en marge d’un sommet européen à Riga, le chef de l’Etat et ancien Premier secrétaire du PS, a déclaré devant la presse : « Tout ce qui peut apporter de la stabilité, de la cohérence et de la visibilité est bon pour l’action que je mène aujourd’hui pour la France.  (…) Il y a des principes qui valent dans toutes les instances, dans tous les moments et pour tous les sujets, c’est la stabilité, la cohérence et la visibilité. » C’est fluide comme une rhétorique de synthèse, mais le lecteur aura compris que le président de la République pense avoir les coudées plus franches pour la fin du quinquennat. Et tant pis pour ceux qui auront cru, en suivant Martine Aubry, que leur vote exigeait du gouvernement des inflexions de sa ligne politique. Le Premier ministre ne l’a pas compris ainsi :

#CongrèsPS : je salue l’esprit de responsabilité des militants. Nous sommes rassemblés pour continuer de réformer la France. MV

? Manuel Valls (@manuelvalls) 22 Mai 2015

Satisfait Christophe Borgel , secrétaire national aux élections, qui vante la participation « de l’ordre de 54,5% ». Il y a quelques jours encore son patron estimait qu’ « une bonne participation » serait « entre 70.000 et 80.000 votants »  ; A peine plus de 65.000 se sont déplacés.

Christian Paul, satisfait lui aussi , estime néanmoins que la motion qu’il conduisait, « A gauche pour gagner ! », a « réveillé le Parti socialiste qui était en hibernation depuis trois ans » . « C’est déjà utile » , analyse le leader des « frondeurs ». A quelques heures du scrutin il déclarait encore que Poitiers était « un congrès de survie » .
Lire > Christian Paul : « C’est un congrès de survie »
L’orientation qu’il portait ne rassemble pas tout à fait 30 %, le « congrès de survie » ne tourne pas à l’avantage de son sauveur, mais ce dernier trouve quand même matière à se rassurer : « Ce qui est flagrant, c’est qu’il y a une majorité d’idée pour demander des réorientations » , affirme-il en amalgamant des torchons (la motion de Karine Berger, les aubrystes de la motion A…) à ses serviettes. Avant d’annoncer qu’il faut vouloir « tourner la page de ce que les médias ont appelé la fronde parlementaire » .

Également satisfaite, Karine Berger. La motion de la députée des Hautes-Alpes, baptisée « La Fabrique » (motion D), obtient 9,5 % : « On est absolument ravis d’être la troisième force du PS, d’être présents partout et forts dans de nombreuses fédérations. » Troisième sur quatre, c’est mieux que dernière pour celle qui se présentait en 2013 comme « l’un des députés les plus visibles » et se jugeait « extraordinairement influente » [^2], d’où son contentement bien compréhensible.

Même la petite dernière, Florence Augier , dont la motion, « Osons un nouveau pacte citoyen et républicain » (1,5 %), avait « la ferme ambition de porter haut la voix des militants » ne semble pas mécontente de son résultat. Elle s’est empressée d’offrir les dites voix à Jean-Christophe Cambadélis dans l’élection au poste de Premier secrétaire qui l’opposera, jeudi 28 mai, à Christian Paul.

Tout le monde il est content, donc… Il est vrai que, pour la première fois depuis trois ans, un socialiste a remporté hier jeudi soir un scrutin national. Ça se fête !


[^2]: Entretien à La Provence , 16 juin 2013. Morceau choisi : «  J’ai vraiment l’impression que tout ce que je pensais faire et réaliser, ça s’est passé. Aussi bien pour les dossiers locaux que nationaux dans lesquels j’ai plongé » , estime-t-elle. Mieux : « Je suis l’un des députés les plus visibles. J’ai le sentiment surtout d’être extraordinairement influente dans l’équilibre croissance – austérité. Ma voix a fortement porté et le président de la République l’a entendue. »

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