Femmes voilées : Elles ne sont pas celles que vous croyez

Faïza Zerouala est allée à la rencontre de femmes voilées. De quoi faire tomber les préjugés.

Denis Sieffert  • 7 mai 2015 abonné·es
Femmes voilées : Elles ne sont pas celles que vous croyez
© **Des voix derrière le voile** , Faïza Zerouala, Premier Parallèle, 258 p., 5,99 euros en version numérique, 15 euros en version papier, premierparallele.fr

En ces temps de « jupes trop longues », il faut lire l’enquête de Faïza Zerouala, « femme, journaliste, Française, fille d’Algériens et musulmane », qui brosse une série de portraits de femmes voilées et, surtout, donne la parole à celles dont on parle toujours et que l’on n’entend jamais. Au fil des rencontres, le lecteur pourra déconstruire nombre de préjugés qui ont envahi l’espace public. Ainsi, il constatera qu’il n’y a pas de profil type. Autant de jeunes femmes, autant d’itinéraires et de motivations.

Un autre préjugé, solidement ancré, veut que le voile soit porté sous la contrainte d’un père ou d’un grand frère tyrannique. Rien de tel ici. Asma, Nadia, Assia et quelques autres ont toutes fait le choix libre de se couvrir du hidjab – puisque c’est surtout de ce voile dont il s’agit. Même si, pour certaines, une discrète pression de l’environnement a pu jouer. La jeune Assia, 18 ans, lycéenne à Drancy, et qui est passée du « short très court » au voile, reconnaît par exemple avoir voulu se protéger d’une drague « lourde et récurrente ». Une métamorphose brutale ** qui fait dire à sa mère : « Ma fille, avant, elle faisait n’importe quoi. Maintenant aussi elle fait n’importe quoi ! » Si ces jeunes filles ou femmes ont beaucoup de différences, elles ont au moins un point commun : une ambition sociale et intellectuelle. À part Sophie, chrétienne convertie à l’islam et femme au foyer, et Newel, la doyenne, qui a choisi de se couvrir la quarantaine échue (le voile, « un devoir quand on vieillit », dit-elle), toutes font ou ont fait des études et mettent en avant un désir de réussite. Asma est esthéticienne, Nadia est étudiante en biologie, Sabrina est chef de projet dans les télécommunications. Un désir d’indépendance plus impératif encore lorsque ces femmes sont divorcées avec un enfant à charge, comme trois d’entre elles.

Bref, rien ne colle avec l’image de la femme soumise au mâle musulman. La plupart veulent « réussir » dans notre société. Tout le contraire d’une affirmation de marginalité. Si presque toutes ont un usage « light » du voile (c’est l’expression de l’une d’entre elles), ce n’est pas le cas de Fatiha, 29 ans, commerçante en ligne à Lille et porteuse du niqab (le voile intégral). Son récit est édifiant. Seule avec deux enfants après « un mariage conflictuel », elle était en proie à un mal-être : « Je me suis dit que la religion pouvait peut-être améliorer ma vie. » On pense à ces femmes qui, autrefois, dans la tradition chrétienne, tourmentées par les épreuves, se retiraient au couvent… Rien, en tout cas, qui soit vécu comme agressif, mais bien plutôt le résultat d’une quête intérieure. Là est le quiproquo. Le livre de Faïza Zerouala est aussi l’occasion de saluer la création d’une jeune maison d’édition numérique, Premier Parallèle, à l’initiative de deux audacieuses, l’une venue du journalisme, Sophie Caillat, l’autre de l’édition, Amélie Petit. Un bon début.

Idées
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