Royaume-Uni : Le retour de la question européenne

Les élections générales de ce jeudi relancent le débat sur l’appartenance à l’Union européenne.

Denis Sieffert  • 7 mai 2015 abonné·es
Royaume-Uni : Le retour de la question européenne
© Photo : Jeff J Mitchell/Getty Images/AFP

L’affaire s’annonçait très serrée, mardi, à 48 heures des élections générales au Royaume-Uni. Le parti conservateur du Premier ministre, David Cameron, et les travaillistes de son rival Ed Miliband étaient donnés au coude à coude par les derniers sondages. Mais, au-delà du scrutin de ce 7 mai, c’est bien la question de l’appartenance du Royaume-Uni à l’Union européenne qui se trouve de nouveau posée.

On pourrait ironiser sur l’éternelle singularité des Britanniques. On sait qu’ils ont rejoint tardivement ce qui était alors la Communauté européenne. Après une tentative qui s’était heurtée au veto de De Gaulle, qui voyait en Londres le cheval de Troie des États-Unis (et qui n’avait pas complètement tort), ce n’est qu’en 1973 que l’adhésion a été actée. Mais ce n’est plus vraiment cette singularité proverbiale qui est en cause aujourd’hui. Au contraire, le débat européen outre-Manche en rappelle bien d’autres sur le continent. C’est en fait le parti d’extrême droite anti-européen Ukip (le parti pour l’indépendance du Royaume-Uni) de Nigel Farrage qui, mutatis mutandis, joue le rôle du FN chez nous en instrumentalisant la question de l’immigration. Et, comme en France, le grand parti de la droite parlementaire tente par tous les moyens de récupérer les voix de cette formation à l’influence grandissante. Ce qui a conduit David Cameron à réitérer, lors du dernier débat télévisé, sa promesse de référendum sur le maintien ou la sortie de l’Union européenne. Une partie des milieux d’affaires en a déduit qu’il fallait plutôt se tourner vers le parti travailliste, très pro-européen, sans certitude toutefois qu’Ed Miliband pourrait, s’il l’emportait, résister à la pression anti-européenne et anti-immigrés. Le pari pour la City n’est pas trop risqué si l’on considère la tiédeur du programme économique et social des travaillistes, héritiers plus ou moins honteux du très droitier Tony Blair [^2].

Mais chacune des deux grandes formations porte son fardeau. Si l’Ukip dicte une partie de son programme à David Cameron, le travailliste Miliband a bien des soucis avec le Scottish National Party (SNP). Sa dirigeante, Nicola Sturgeon, a mené une campagne beaucoup plus à gauche que le leader travailliste, auquel elle devrait chiper des voix en Écosse. D’autant plus qu’au-delà de la question sociale, sur laquelle les travaillistes ne sont pas très fringants (un peu moins à gauche que le candidat Hollande, mais un peu plus que son homonyme élu à la présidence de la République…), l’élection du 7 mai a un goût de revanche pour le principal parti écossais après la déconvenue du référendum de septembre dernier. Partisan de l’Europe, le SNP pourrait paradoxalement profiter d’une victoire des conservateurs. Si David Cameron tenait sa promesse de référendum, et si le Royaume-Uni se prononçait pour la sortie de l’UE, le parti écossais n’aurait aucun mal à relancer le débat sur l’indépendance. On voit que, quel que soit le résultat du 7 mai, un autre débat ne fera que commencer. Travaillistes et conservateurs étant les uns et les autres dépendants d’alliés indociles. Sans même parler de l’allié naturel de David Cameron, le chef de file des libéraux démocrates, Nick Clegg, qui est, lui, passionnément européen…

[^2]: Voir sur le programme social des travaillistes le reportage d’Emmanuel Sanséau dans Politis n° 1351.

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