Sauvés par le climat

Alors que la stratégie d’autonomie l’emporte pour les régionales, les écolos ont voulu resserrer les rangs autour des enjeux de la COP 21.

Patrick Piro  • 13 mai 2015 abonné·es
Sauvés par le climat
© Photo : AFP PHOTO / BERTRAND GUAY

Pour une fois, les écologistes se sont évertués à faire passer les questions de fond devant le règlement de leurs querelles internes. Lors de son conseil fédéral, en fin de semaine dernière, EELV a élevé le climat au rang de vedette des débats, mais pas ses parlementaires « frondeurs » qui lorgnent vers le gouvernement ou soutiennent la loi sur le renseignement, à rebours des instances du parti [^2]. Emmanuelle Cosse dénonce bien « le danger mortel » représenté par « l’invective, le dénigrement, les délices empoisonnés des petites phrases », mais c’est pour mieux scander à plusieurs reprises : « Les écolos sont de retour ! » Comme pour enfoncer un clou rebelle.

La secrétaire générale annonce le lancement d’un Printemps des idées pour actualiser son projet de société, accompagné d’une campagne « Je sauve le climat ». Slogan devant lequel chacun peut apposer son préfixe (« Je mange bio », « J’ai un pull troué », « Je hais le tofu mais… »), grâce à un générateur de phrases qui fait déjà les délices des réseaux sociaux, prompts aux détournements. « Campagne rassembleuse, bienveillante, accueillante… », défend son concepteur, Elliot Lepers. Consensuel aussi, l’eurodéputé Yannick Jadot, martelant qu’il serait incompréhensible, en 2015, « que nous ne consacrions pas 90 % de nos interventions à la lutte climatique ! ». En décembre, la France reçoit la COP 21, conférence intergouvernementale majeure dans la lutte contre le dérèglement climatique, et la mouvance associative s’est déjà mise en branle. Coïncidence utile pour EELV : les élections régionales (6 et 13 décembre) se tiendront au même moment. Cependant, l’enjeu premier des assemblées régionales qui se sont tenues ces dernières semaines concernait la stratégie de premier tour. Verdict : c’est « l’autonomie » qui domine largement [^3]. « Et donc vis-à-vis du PS », confie David Cormand, numéro 2 du parti, favorable à une ouverture au Front de gauche. « Devant la déconfiture du PS et la montée des fondamentalismes, il est temps d’expérimenter de nouvelles alliances à gauche », appuie Jacques Boutault à la tribune, où François de Rugy ne se risquera pas. « L’autonomie est un repli de fait », juge-t-il, partisan d’un retour au gouvernement, et l’un des cinq députés EELV qui ont voté la loi sur le renseignement [^4], suscitant l’incompréhension d’une majorité de délégués. La conclusion du débat sur les alliances appartient quoi qu’il en soit aux assemblées régionales, lesquelles ont toute latitude pour ajuster leur position d’ici à l’automne. « Les motions se réclament de l’autonomie avec suffisamment de souplesse pour se laisser des marges de manœuvre », relève David Cormand. Le conseil fédéral a validé les têtes de liste, dont Emmanuelle Cosse, qui affrontera Claude Bartolone en Île-de-France [^5].

Samedi, en fin de journée, le conseil fédéral a adopté aussi, à plus de 75 % des votants, une motion de recadrage qui expose à des sanctions allant jusqu’à l’exclusion du parti les parlementaires « frondeurs ». Ils ont récemment tenté de s’impliquer dans la création d’autres partis écologistes ou défendu avec vigueur un retour au gouvernement, en contradiction avec les décisions du bureau exécutif du parti. Explicitement visé, François de Rugy avait déjà quitté l’assemblée. Denis Baupin et Jean-Vincent Placé, pour leur part, étaient absents. Un vote qui ne devrait guère les impressionner. Nul doute que les dissensions s’exprimeront de plus belle à la première occasion, année climat ou pas.

[^2]: Lire « L’étonnant virage à 180° de Denis Baupin » sur Politis.fr

[^3]: Voir Politis n° 1352, du 7 mai.

[^4]: Avec Éric Alauzet, Denis Baupin, Christophe Cavard et François-Michel Lambert.

[^5]: La liste complète sur Politis.fr

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