Éditocrates sous perfusion

Le Figaro de Serge Dassault a encore été gavé de 15,2 millions d’euros en 2014.

Sébastien Fontenelle  • 17 juin 2015 abonné·es

Le ministère de la Culture et de la Communication vient de mettre en ligne, sur son site ^2, la liste des « 200 titres ayant le plus bénéficié des aides publiques à la presse » en 2014. Je l’ai regardée de près, et je suis revenu de cette investigation moustachue avec une très triste nouvelle : Politis n’y est (toujours) pas. (Est-ce que je le regrette ? Absolument. Parce que j’aime autant te dire que si Politis avait été nanti des mêmes opulents millions d’euros qui sont libéralement distribués à d’autres publications ? J’aurais dans l’instant quémandé auprès du mollah Sieffert [en sus du feuillet hebdomadaire supplémentaire que je lui demande depuis de longues décennies] une augmentation un peu conséquente, du style : j’envisage désormais de me les rouler aux Maldives, merci pour ton abonnement. Tandis que là, le mieux que je puisse espérer est un Coca Light à Paris Plages : reconnais que pour ce qui serait d’envoyer du rêve, ça le fait moyen.)

Premier au classement : le Figaro de Serge Dassault (rires) (en même temps que l’État vendait le Rafale du même Serge Dassault [rires] à quelques franches démocraties) a encore été gavé de la coquelette [^3] somme de 15,2 millions d’euros. C’est pas pour critiquer les aides postales, mais le Figaro, tu sais, c’est ce canard où un chroniqueur défiltré du nom de Rioufol (et du prénom d’Ivan) fait tous les douze matins, et entre deux imprécations contre les gauchistes et les musulman(e) s, le procès d’une France rongée par ce qu’il appelle – c’est comme ça que ces gens parlent – une « logique de l’assistanat ». C’est ce canard dont le proprio (Serge Dassault [rires], donc, je viens de te le dire, ça serait bien que tu suives) exige régulièrement que l’État coupe « toutes les aides » aux nécessiteux – parce que bon, ça va bien trois secondes de sponsoriser la fainéantise des chômeurs et autres érémistes, mais c’est pas comme ça qu’on les responsabilisera, et t’as vu comment que ça creuse la dette publique ?

C’est ce canard, en somme, dont la chefferie fait sponsoriser par l’État ses exhortations hallucinées à réduire la dépense étatique en donnant de grands coups de sabre dans les budgets sociaux, et n’en éprouve semble-t-il aucune honte – mais il est vrai aussi qu’elle aurait tort de se gêner, puisque c’est plus généralement toute l’éditocratie thatchérienne, de l’Express (doté en 2014 de 4,9 millions d’euros d’aides publiques) au Point (3,2 millions), qui fait payer par les contribuables ses appels déments à leur serrer la ceinture de toujours plus de crans supplémentaires. Aussi devrais-tu, la prochaine fois que cette camarilla confectionnera des appels à la haine contre « la France des assistés », lui suggérer un peu vivement de… Non, rien – j’ai failli m’emporter.

[^2]: http://www.culturecommunication.gouv.fr

[^3]: « Coquelette = coquette + rondelette. » (John Nash.)

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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