La rue ne sépare pas ceux qui s’aiment

Nombreux sont les sans-abri qui vivent en couple. Trois d’entre eux témoignent ici de cette réalité mal connue, voire taboue.

Lauriane Clément  • 22 juillet 2015 abonné·es
La rue ne sépare pas ceux qui s’aiment
© Photo : LES AMANTS DU PONT-NEUF (1991, Leos Carax avec Juliette Binoche et Denis Lavant) C’est le bicentenaire de la Révolution, Paris est inondé de lumières et de musique. Dans les retombées des feux d’artifice, dansent deux vagabonds… DR

Maria [^2] a tout d’une femme forte. Regard franc, taille solide, cette Roumaine d’une quarantaine d’années déambule d’un pas assuré dans le foyer des Enfants du canal, dans le Ve arrondissement de Paris. C’est là qu’elle vit depuis un peu plus de deux ans avec son mari, Vlad. Plusieurs couples cohabitent dans cette structure associative pour sans-abri : une rareté en France, où la vie amoureuse des SDF semble la dernière préoccupation des structures d’aide. Pourtant, l’amour dans la rue n’a rien d’un luxe. Maria le sait bien. C’est grâce à son compagnon qu’elle a réussi à tenir près de trois années dans le bois de Vincennes. En arrivant en France en 2010, tous deux rêvaient d’une vie meilleure. Mais, une fois à Paris, ils ne rencontrent que la précarité, le froid et un manque total d’intimité. « C’était très difficile, mais à deux on a plus d’énergie. Moi, j’encourageais Vlad, je lui disais tout le temps : “Ça va aller…” Lui me protégeait. Je n’aurais pas pu résister seule à la rue », avoue Maria. Une situation d’autant plus difficile que Vlad et Maria ont déjà vécu ensemble dans des conditions conjugales « normales ». En Roumanie, ils ont passé vingt années à élever leurs trois enfants dans une maison défraîchie, certes, mais bien à eux. La rue a rompu toutes ces habitudes, résumant leur

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Publié dans le dossier
L'Amour au temps du libéralisme
Temps de lecture : 8 minutes