Le PG clarifie son rapport à l’Europe

Le référendum grec était dans toutes les têtes des délégués au congrès du Parti de gauche, décidés à tirer des enseignements du succès de Syriza et de son expérience du pouvoir.

Michel Soudais  • 8 juillet 2015 abonné·es
Le PG clarifie son rapport à l’Europe
© Photo : M. Soudais

Épilogue joyeux de trois jours de congrès, plusieurs dirigeants et militants du Parti de gauche (PG), dont Jean-Luc Mélenchon, ont fêté en chanson le résultat du référendum grec, dimanche soir, place de la République, à Paris. « La solution, c’est le peuple », proclamait le slogan du 4e congrès du PG, réuni le week-end dernier à Villejuif (Val-de-Marne). Un slogan choisi après l’annonce par Alexis Tsipras de la consultation des électeurs grecs. Et inspiré par cet événement.

« La souveraineté nationale, c’est la souveraineté populaire. La République fonde la nation, rien n’est au-dessus du droit du peuple », avait lancé Jean-Luc Mélenchon, dans son discours de clôture, dimanche midi. Le député européen venait d’appeler la France à « empêcher l’expulsion de la Grèce de la zone euro ». Elle « doit reformuler les conditions de survie à l’intérieur de ces deux entités qui permettent à la Grèce de vivre, avait-il précisé. Sinon, il faut commencer à poser la question de savoir ce qu’on fait là   ». Dans la foulée, l’ancien candidat du Front de gauche en 2012 a également suggéré aux « parlementaires français  […] d’imiter ceux de Grèce et d’organiser à leur tour des commissions d’enquête parlementaire pour vérifier si la dette de la France a bien été consentie dans des conditions conformes à la loi et à la Constitution ». Il a aussi demandé que la France « propose une conférence européenne sur les dettes souveraines » .

Le 4e congrès du Parti de gauche a élu une direction renouvelée et rajeunie. Avec, à la tête du secrétariat exécutif national, composé de 24 membres dont la moitié ne siégeait pas dans le secrétariat national sortant, un duo paritaire de coordinateurs : Éric Coquerel et Danielle Simonnet. Plusieurs figures fondatrices du parti quittent sa direction : Raquel Garrido, Pascale Le Néouannic, Marie-Pierre Oprandi (trésorière)… Jean-Luc Mélenchon, qui avait démissionné l’été dernier de la coprésidence du parti (ce titre a disparu), pourra continuer d’y siéger comme parlementaire, sans responsabilité organisationnelle. Martine Billard, qui avait démissionné de la coprésidence avec lui, devrait être en charge de l’écologie. Corinne Morel Darleux, qui avait démissionné de la direction après les européennes, la réintègre et devrait être chargée du développement international de l’écosocialisme. Le bureau national (60 membres) disparaît au profit du conseil national, qui devient un vrai parlement de 200 membres, élus pour trois ans (au lieu d’un an) dans les départements.

Trois jours durant, les délégués se sont fréquemment référés à l’exemple grec, que ce soit pour manifester leur soutien à Syriza et à son gouvernement ou pour s’en inspirer. Le texte d’orientation, « En mouvement, citoyens ! », adopté par 83,6 % des délégués, se félicite ainsi qu’avec Syriza, le 25 janvier, « pour la première fois la chaîne de l’austérité a craqué en Europe ». La « détermination » d’Alexis Tsipras, dont « le gouvernement ne plie pas », y est louée.

Tirant les leçons de son succès, le PG voit dans « le refus de toute compromission avec le Pasok » une des raisons qui ont permis à Syriza de « rassembler tous ceux qui refusaient comme avenir l’austérité sans fin et la perte de souveraineté populaire ». Appelés à trancher la question du second tour, à cinq mois des régionales, les délégués ont réaffirmé l’autonomie de leur parti vis-à-vis du PS et le refus de gouverner avec lui. Au terme d’un débat animé, ils ont toutefois laissé aux assemblées des « rassemblements citoyens », que le PG privilégie désormais, toute latitude pour voter « à l’issue du premier tour  […] les décisions stratégiques électorales ». Et ils ont refusé par 271 voix contre 200 d’inscrire dans le texte d’orientation le refus de toute entente avec le PS, au second tour comme au premier.

Sur l’euro, les échanges ont été plus vifs encore. Contrainte de clarifier sa position, jugée trop molle par une frange importante des militants – dans la préparation du congrès, une plateforme alternative à celle de la direction inspirée des positions de Jacques Sapir et de Frédéric Lordon avait emporté 45 % des votes –, la direction du PG a invité l’un de ses fondateurs, Jacques Généreux, à poser les termes du débat. L’économiste a rappelé que les divergences ne portaient pas sur le diagnostic –  « La situation insoutenable de la zone euro fait que si nous y étions contraints, nous en sortirions sans hésitation », a-t-il rappelé – mais sur « l’attitude stratégique à adopter en arrivant au pouvoir » .

Le programme du PG étant « incompatible avec l’UE telle qu’elle est définie par les traités », faut-il privilégier un « référendum sur la sortie de l’UE »  ? Ou agir « unilatéralement en violation des traités sur tous les points jugés essentiels et engager des négociations avec tous les États disposés à engager une refondation progressiste et démocratique de l’UE »  ? C’est cette dernière option, inspirée par le bras de fer d’Athènes avec l’Eurogroupe, qui a été retenue par 361 voix contre 117. Notamment parce qu’elle n’abandonne pas les autres pays à leur sort, mais permet de répondre à l’appel de mouvements comme Podemos, dont le responsable des relations internationales, Jorge Lago, est venu dire aux congressistes que « la Grèce et l’Espagne ont besoin d’une autre France » et que « la posture honteuse de Hollande ne peut pas être la posture de la France ».

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