Mathilde Monnier : « La danse sort de sa boîte »

La saison qui s’ouvre marque le lancement du projet artistique de Mathilde Monnier, nouvelle directrice du Centre national de la danse. Elle détaille ici les axes de sa politique.

Jérôme Provençal  • 30 septembre 2015 abonné·es
Mathilde Monnier : « La danse sort de sa boîte »
Centre national de la danse , 1, rue Victor-Hugo, Pantin (93), 01 41 83 98 98 ou www.cnd.fr
© Tristan Jeanne-Valès

Révélée durant les années 1980 avec des pièces telles que Pudique acide, Extasis, Cru ou Mort de rire, Mathilde Monnier s’est peu à peu affirmée comme l’une des figures de proue de la danse contemporaine en France. En 2005, Claire Denis lui a consacré un portrait documentaire intitulé Vers Mathilde. Parallèlement à ses activités de chorégraphe, Mathilde Monnier a dirigé le Centre chorégraphique national (CCN) de Montpellier de 1994 à 2013, où elle a notamment mis en place le module de formation professionnelle « Ex.e.r.ce ». En décembre 2013, succédant à Monique Barbaroux, de plus en plus contestée, elle a pris la tête du Centre national de la danse (CND), ouvert en 2004 à Pantin (93), au bord du canal de l’Ourcq, dans un imposant bâtiment à l’architecture de type brutaliste. Riche de douze studios et d’une remarquable médiathèque, intégrant également depuis 2012 la Cinémathèque de la danse, ce centre remplit trois missions principales : formation, développement du patrimoine et soutien à la création. Après une année de transition, la saison 2015-2016 – qui s’accompagne de travaux de réaménagement et d’une nouvelle politique tarifaire visant à faciliter l’accès au CND – marque le véritable lancement du projet artistique de Mathilde Monnier. Cette saison s’ouvre en beauté avec un week-end inaugural, les 3 et 4 octobre, et nombre de spectacles, performances, projections, etc.

Suivant quels axes orientez-vous votre programme ?

Mathilde Monnier : Le CND est une grande maison, avec plusieurs étages et plusieurs départements affectés à une mission spécifique. En arrivant, j’ai eu envie de créer une meilleure synergie entre les départements et de les rassembler autour d’un certain nombre de manifestations, à l’image de la plateforme d’échanges « Camping », en juin dernier, qui visait à expérimenter une autre façon de travailler. Par ailleurs, je tiens à repositionner le CND comme un lieu de création beaucoup plus lié à la profession (au sens large), et comme un lieu d’accueil le plus ouvert possible. Je souhaite vraiment que les artistes voient cette maison comme leur maison, et non pas une institution, et qu’ils sentent qu’elle offre des possibilités de réalisation. Nous avons la volonté d’accompagner durablement les artistes. Ainsi, par exemple, nous accueillons deux chorégraphes en résidence longue, Noé Soulier et Eszter Salamon.

Quel enjeu spécifique représente à vos yeux la nouvelle Cinémathèque de la danse ?

L’enjeu consiste à fusionner les collections du CND et de la Cinémathèque de la danse et à mettre en place un pôle de diffusion, c’est-à-dire aussi un catalogue, en négociant les droits et les ayants droit avec les artistes. C’est évidemment un long processus, mais nous pouvons d’ores et déjà proposer des programmes dont les droits sont négociés. Il s’agit de mettre toute une équipe au travail afin de donner une meilleure visibilité à notre patrimoine. L’idée est que l’image soit constamment présente et que l’on utilise ce fonds audiovisuel tant au niveau de la formation que de la création. La diffusion ne se limitera pas à des séances de cinéma classique – même s’il y en aura aussi : il faut aller bien au-delà, en inventant de nouveaux modes de diffusion et en recourant à d’autres supports.

Quel regard portez-vous sur la scène chorégraphique contemporaine ?

La danse traverse une période de mutation, qu’il n’est pas forcément évident d’analyser de l’intérieur. On présente de plus en plus la danse dans des lieux d’art contemporain, un phénomène vraiment passionnant à observer. Du coup, de nouvelles formes apparaissent et la danse sort un peu de la « boîte noire », à savoir la salle de spectacle traditionnelle. Je pense que cela peut amener un nouveau public à s’y intéresser, ce que je trouve à la fois important et réjouissant. C’est aussi pour cela que le CND se présente désormais comme un centre d’art pour la danse : afin d’affirmer l’inscription de la danse à l’intérieur de l’histoire de l’art.

Culture
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