Aide juridictionnelle : Quelle défense pour tous ?

Les avocats se mobilisent contre la réforme de l’aide juridictionnelle, redoutant une réduction de l’accès au droit des plus démunis.

Ingrid Merckx  • 21 octobre 2015 abonné·es

C’est un dispositif pour les plus pauvres : il faut percevoir moins de 900 euros de revenu mensuel par foyer pour bénéficier de l’aide juridictionnelle (AJ). Aujourd’hui, elle est financée par l’État et gérée par la Caisse des règlements pécuniaires des avocats (Carpa). Or, le projet de loi de finances 2016 prévoit de réduire les indemnités des avocats et de taxer la Carpa pour financer le dispositif. « C’est comme si on demandait aux médecins de participer au financement de la Couverture maladie universelle   », résume le bâtonnier de Montpellier, André Brunel. D’où la mobilisation entamée mi-octobre par une bonne partie de la profession. Des nantis qui refusent de financer un service pour les plus démunis ? L’affaire est plus complexe. Il y a une position de principe : l’AJ est un service public qui doit être financé par l’impôt. Question de choix politique. « La faiblesse du budget de la justice s’accompagne d’une hypertrophie du budget de l’administration pénitentiaire, qui atteint 50,4 % du budget total  », rappelle la Ligue des droits de l’homme (LDH).

« L’État peut trouver de l’argent pour financer l’AJ, mais le veut-il ? », s’interroge Michel Tubiana, président d’honneur de la LDH, qui redoute une réduction de l’accès aux droits. Car quelle garantie de financement par la taxe sur la Carpa ? Si l’enveloppe se réduit encore, les requérants devront se tourner vers les services juridiques des compagnies d’assurances ou les grands cabinets qui peuvent assurer des procédures gratuites. « Cette réforme nous entraîne donc à la fois vers une privatisation de l’AJ pour certains services, dénonce Dominique Noguères, avocate à Paris, et vers le pro bono [bénévolat, NDLR], ce qui signe un retour à un archaïsme du XIXe siècle, sorte de paternalisme où ceux qui en ont les moyens s’occupent des “pauvres” avec en plus une médaille à la clé. » En outre, les « nantis » ne représenteraient que 20 % de la profession. « Dans les dossiers d’AJ, on travaille à perte, explique Dominique Noguères, c’est le nombre qui permet de compenser. » Pour certains, en mal de clientèle ou débutants, l’AJ reste donc une ressource. C’est pourquoi les syndicats réclamaient plutôt une revalorisation des unités de valeur ainsi qu’une meilleure péréquation entre les barreaux, certains ayant plus de dossiers AJ que d’autres. « Sauf à imaginer un système comme au Canada, avec des avocats qui ne font que de l’aide juridictionnelle… », glisse Michel Tubiana. Les avocats ont entamé un bras de fer. Mais avec la garde des Sceaux ou avec Bercy ?

Société Police / Justice
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