En toute impunité

Cette ahurissante suggestion n’a pas été faite par un révisionniste patenté mais par Benyamin Netanyahou.

Sébastien Fontenelle  • 28 octobre 2015 abonné·es

Adoncques, si l’on s’en tient à certaine récente profération de M. Netanyahou, Adolf Hitler, par-delà qu’il pouvait faire montre d’une certaine rudesse, n’était pas si farouchement radical dans ses partis pris qu’on l’avait jusqu’à présent cru. Par exemple : nous avons supposé longtemps qu’il avait seul – avec ses monstrueux séides nazis – prévu froidement d’exterminer six millions d’êtres humains. Alors qu’en fait : non, ça ne s’est, selon la théorie exposée par M. Netanyahou, pas tout à fait passé comme ça. En fait, lui, Hitler, au départ, ce qu’il voulait, c’était juste expulser les juifs de son Lebensraum (qui était, dans sa conception, d’une assez vaste superficie) : il ne souhaitait donc pas forcément les anéantir. Problème : il est tombé sur le grand mufti de Jérusalem, qui ne l’entendait pas du tout de cette oreille, et qui lui a remontré, en substance, et si j’ai bien compris, qu’il serait plus efficace de procéder à un génocide, sans se laisser brider par trop de pusillanimité.

Cela – cette ahurissante suggestion qu’au fond Hitler était moins sauvagement criminel que ne l’étaient les Palestinien(ne) s, puisque lui, au moins dans un premier temps, n’envisageait tout de même pas, pour assouvir son racisme, de procéder au pire massacre de l’histoire de l’humanité, et ne s’est rendu à cette extrémité qu’après y avoir été incité par une éminence arabo-musulmane –, cette hallucinante proclamation, ce n’est pas un(e) révisionniste patenté(e), insistons-y, qui l’a faite. Elle a été, répétons-le, proférée par Benyamin Netanyahou.

L’eût-elle été, d’ailleurs, par un Faurisson – ou par tel ex-humoriste reconverti dans la dégueulasserie antisémite –, qu’elle aurait aussitôt – du moins l’espère-t-on – suscité une gigantesque indignation des forgerons hexagonaux de l’opinion. Tandis que là : non. Le  New York Times a, de l’autre côté de l’Atlantique, et dans un âpre éditorial, fustigé la « bévue » – le mot était, je te le concède, encore bien trop gentil – du Premier ministre israélien. Mais l’éditocratie française s’est tenue méticuleusement coite : le même commentariat qui ne manque jamais d’intenter aux Palestinien(ne)s des procès d’intention a très unanimement négligé de s’offusquer, et la classe politique est restée murée dans un silence assourdissant [^2].

Un peu comme si tout ce petit monde, où M. Netanyahou reste envers et contre tout un interlocuteur de qualité, avait parfaitement intégré que, dans le climat de détestation antimusulmane où l’Occident s’est depuis des années enfermé, les pires accusations – et celle d’avoir été plus nazi(e)s que les nazis est la plus infamante – pouvaient être, dorénavant, impunément portées contre les Palestinien(ne)s…

[^2]: Après cela, n’en doutons pas, les sinistrissimes personnages qui font métier de nier la Shoah ne manqueront évidemment pas, lorsqu’ils vomiront désormais leurs immondes insanités, de produire l’argument que Benyamin Netanyahou lui-même a publiquement déclaré que c’était sous l’influence du grand mufti – personnage abject, par ailleurs – qu’Hitler avait fait le choix de la « solution finale ».

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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