Fukushima : Un chantier chaotique

De la visite cauchemardesque de la centrale sous haute surveillance, ressort avant tout la très imparfaite maîtrise des suites de la catastrophe.

Claude-Marie Vadrot  • 7 octobre 2015 abonné·es
Fukushima : Un chantier chaotique
© Photo : C.-M. Vadrot

Dès l’entrée dans l’enceinte de la centrale accidentée, après de nombreuses formalités tatillonnes, l’image de l’extraordinaire désordre des travaux en cours s’impose. Au milieu de centaines d’énormes cuves stockant les eaux de refroidissement contaminées – et d’autres dont les responsables refusent de préciser le contenu et qu’ils interdisent de photographier –, des débris, de la ferraille rouillée, des déchets, protégés ou non, des camions et des grues autour desquelles s’affairent des techniciens et des ouvriers portant des combinaisons de protection ou des masques dérisoires.

La Tepco, la multinationale exploitant la centrale nucléaire de Fukushima, nationalisée depuis la catastrophe, a déjà « usé », en quatre ans, près de 100 000 travailleurs hâtivement formés aux risques nucléaires. Les salariés sont remplacés quand ils atteignent un certain cumul d’irradiation, non communiqué. De retour dans les villes « saines », ils contribuent à entretenir les rumeurs qui inquiètent les habitants de la région. Le recrutement de nouveaux volontaires devient difficile, car aucune information n’est divulguée à propos de la santé de ces intérimaires. Malgré les précautions des accompagnateurs, difficile de ne pas voir que les bâtiments abritant les trois réacteurs entrés en fusion ne sont toujours pas réparés, en raison de la forte radioactivité qui y règne encore. Plutôt rafistolés à la hâte. En fait, seule la piscine où refroidissaient les barres de combustible usagé a été sécurisée. Les travaux relèvent d’un bricolage improvisé autour des réacteurs fondus, restant hors de portée humaine. Les abords des bâtiments sont couverts de gravats, de tuyaux et de câbles, qui voisinent avec les voitures contaminées lors de l’accident et qui n’ont pas été évacuées, faute de savoir quoi en faire. Tout comme les centaines d’arbres irradiés bordant la centrale : ils ont juste été coupés et entassés près des grilles.

Le désordre omniprésent est comme une persistance de la panique de l’accident. D’ailleurs, les ingénieurs n’évoquent plus le sarcophage de confinement annoncé pour 2019. Pour l’instant, ils se contentent de parer au plus pressé, notamment le risque d’infiltration d’eaux souterraines, en tentant d’implanter dans les sols une digue de terre congelée. Les responsables affirment ignorer le coût des travaux déjà entrepris et restent évasifs sur le degré de radioactivité qui se dégage du chantier. Et il faut insister, en fin de visite, pour leur faire avouer que « pour l’instant » la fin des opérations est plutôt envisagée pour 2040, car nul ne sait ce qui se passe dans les réacteurs.

Monde
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