Toi aussi, j’espère ?

Avant le tournant de la « rigueur », le Front national était un tout petit particule d’extrême droite…

Sébastien Fontenelle  • 14 octobre 2015 abonné·es

En 1984, les socialistes se sont mis des guillemets, pour devenir, donc, les « socialistes ». C’est en effet, t’en souvient-il, cette année-là qu’ils ont habilement négocié le tournant de « la rigueur » et sont passés de la promesse d’en finir avec « le capitalisme » à la récitation que rien n’était au fond si doux que de se vautrer dans les marchés. Avant 1984 – c’est à cela que je voulais en arriver en te rappelant d’abord, et pour la millième fois, que ces gens-là sont des renégat(e)s de compétition –, le Front national était un tout petit particule d’extrême droite : aux élections législatives de 1981, il avait par exemple obtenu 0,18 % des suffrages exprimés. Trois ans plus tard, aux européennes, il ramassait 10,95 % des votes.

Par conséquent, tu peux tourner ça comme tu veux et tortiller du bas du dos en ronchonnant qu’c’est pas si simple in a Gérard Filoche style  : c’est bel et bien dans le moment précis où les « socialistes » ont pour la première fois pris un très long élan pour mieux sauter à pieds joints sur leurs promesses électorales (et programmatiques) que le parti pénique s’est pour de bon cramponné dans le paysage politique françousque. (Tu vas me dire : on le savait déjà, merci. Je vais te répondre : tu es gentil[le], mais là t’es dans ma chronique, je suis chez moi, je fais ce que je veux – et si j’ai envie de mettre le frigo dans la salle de bains, c’est certainement pas toi qui vas m’en empêcher, NAN MAIS OH, T’AS CRU QUE T’ÉTAIS OÙ ?) Après ça, le P« S » a continué de se droitiser et l’FN de grimper dans les sondages (dont nous n’avons que foutre) et dans les urnes – et si je soumets ce double constat à un(e) enfant de 3 ans ? L’intelligent petit personnage va tout de suite me demander si les « socialistes » ont tout de même été assez intelligents pour comprendre, au bout d’assez vite, que ce n’était pas du tout en s’alignant sur ses positions économiques et sécuritaires qu’ils allaient triompher de leur opposition, fût-elle radicale. Réponse : non, petit(e). Ça ne s’est pas du tout passé comme ça.

Dans la vraie vie, les « socialistes », décidément bien moins futés que tu ne l’espérais, n’ont plus jamais cessé d’essayer (non sans quelques vrais succès, comme quand M. Jospin a privatisé, entre 1997 et 2002, à peu près tout ce qui bougeait) de doubler la droite par la droite – de sorte que désormais plus personne, dans la vraie gauche, ne peut même entendre citer leur nom sans être pris d’une gigantesque envie de vomir à longs traits. Du coup : le P« S », où l’on a de longue date assimilé que le ridicule ne tuait pas (complètement), en est réduit, depuis quelques ans, à psalmodier avant chaque élection, comme fait encore, ces jours-ci, son premier secrétaire – le pathétiquissime M. Cambadélis –, que si qu’on vote pas pour lui ça fera le jeu du parti des Pen. Et, jusqu’à tout récemment, il se trouvait toujours quelques gogos, sans doute sincères, pour se laisser prendre à ce misérable chantage. Mais ça, c’était avant : aujourd’hui, tout le monde a compris que, pour en finir vraiment avec les droites, il était plus que temps d’essayer enfin la gauche sans guillemets – toi aussi, j’espère ?

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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