Une menterie de Monsieur Giesbert

Ce n’est que tout récemment – et FOG le sait bien – que le FN a décoré sa vitrine d’un discours socialisant.

Sébastien Fontenelle  • 4 novembre 2015 abonné·es

Dans le dernier numéro de l’hebdomadaire le Point, l’éditocrate assisté Franz-Olivier Giesbert (dit FOG), qui a longtemps dirigé cette burlesque publication, pose gravement cette importante question : « Qu’est-ce qui fait monter le Front national ? » La réponse la plus évidente – et qui par conséquent vient immédiatement à l’esprit de quiconque n’a pas encore laissé la michelonfrayerie ambiante lui ronger complètement l’appareil neuronal – est que c’est la presse mainstream qui favorise, d’enthousiasme, l’ascension du parti pénique, ne serait-ce que par l’application qu’elle met, depuis de très longues années, à banaliser ses obsessions et ses phobies. (Et que le Point, notamment, en se spécialisant dans la confection de couvertures anxiogènes sur « cet islam sans gêne » ou sur « ce qu’on n’ose pas dire » sur l’ « immigration » ou les « Roms » [liste non exhaustive], n’a pas peu contribué à lui creuser un boulevard sondagier.)

Mais, bien sûr, cette réponse n’est pas du tout celle que produit FOG. Lui préfère écrire, d’une main qui semble-t-il ne tremble pas, et du haut de l’ahurissante morgue, reconnaissable entre toutes, de qui a passé toute une vie de journaliste au service de l’ordre dominant : « N’est-il pas temps de dire que la gauche de la gauche, du NPA aux frondeurs du PS, est un allié objectif du Front national ? En reprenant souvent mot pour mot une grande partie de l’hallucinant programme économique du FN, elle lui apporte sa légitimité, s’il lui en reste encore une. » Et donc : le gars ment. Effrontément. Car il ne peut bien sûr pas ignorer que le parti des Pen s’est fort longtemps prévalu, dans le domaine de l’économie, de sa très stricte orthodoxie reaganienne – et qu’il défendait donc, en de telles matières, les mêmes positions que le Point  [^2], qui n’a d’ailleurs jamais trouvé à y redire.

En vérité, ce n’est que tout récemment – et FOG le sait fort bien – que le FN a décoré sa vitrine d’un discours socialisant, comme l’extrême droite a toujours fait pour dissimuler qu’elle était, dans la réalité, une excellente amie du capitalisme patronal, demande un peu à Henry Ford ou aux bosses d’ITT. Ce n’est donc pas la gauche de la gauche – restée ferme dans ses convictions – qui reprend mot pour mot une partie du programme économique de la Pen, comme le prétend FOG : c’est la Pen qui se déguise parfois en copine des prolétaires, à la finaude fin de mieux surfer sur les frustrations (perpétrées par le patronat et ses politicien[ne]s d’accompagnement sous les hourras du Point ) du salariat. Et dans le même temps, évidemment, elle continue à éructer d’odieuses diatribes sur cet-islam-sans-gêne et de hideux appels à bouter les (im)migrant(e) s. Mais elle aurait tort de se gêner, puisqu’elle trouvera toujours de fidèles servants de presse pour détourner l’offuscation de leur lectorat vers « la gauche de la gauche ». Fût-ce au prix – il est vrai dérisoire au regard du montant des aides publiques dont l’État gave ces rigolos – d’une menterie éhontée.

[^2]: Et que le général Pinochet.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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