Changer de modèle

La trajectoire des émissions de CO2 suit le pire scénario.

Jérôme Gleizes  • 9 décembre 2015 abonné·es

Les conférences internationales se succèdent et toujours pas de mise en œuvre d’un plan crédible. Le sommet de Paris à peine terminé, Marrakech se prépare, mais les records de hausse de température se succèdent aussi ! Pourtant, l’équation du problème est simple : il faut changer notre modèle énergétique. L’ONG britannique Carbon Tracker, avec l’aide d’une équipe d’analystes financiers de Londres, estimait en 2011 que les êtres humains ne devaient pas émettre plus de 565 gigatonnes (Gt) de CO2 supplémentaires dans l’atmosphère pour rester en dessous de l’objectif des 2 °C de réchauffement. Elle estimait aussi que, si elles étaient exploitées, les réserves de charbon, de pétrole et de gaz émettraient environ 2 795 Gt de CO2, soit cinq fois cette quantité de 565 Gt. En incluant les hydrocarbures non conventionnels (pétrole et gaz de schiste, sables bitumineux), les 11 000 Gt seraient dépassés. Par ailleurs, le Global Carbon Project [^2] estime que la trajectoire actuelle des émissions de CO2 suit le pire des scénarios évoqués par le Giec, lequel table sur une hausse de la température mondiale de 3,2 à 5,4 °C d’ici à 2100. Une étude récente de la revue Nature confirme ces chiffres [^3]. Pour rester en dessous des 2 °C, il faudrait laisser sous terre 35 % des réserves de pétrole, 52 % de celles de gaz et 88 % de celles en charbon ; en outre, les hydrocarbures non conventionnels ne devraient pas être exploités.

L’équation est simple à résoudre sur le papier, mais elle demande de rompre avec notre modèle productif et donc avec le capitalisme, fondé sur une accumulation infinie du capital [^4] et un accès à des hydrocarbures à bas prix. Or, le problème est que la négociation internationale ne s’attaque pas aux raisons profondes de l’émission de gaz à effet de serre : le système économique. Comme l’a bien résumé le dernier numéro d’ EcoRev’, « L’Écologie, le capitalisme et la COP : le bon, la brute et le truand [^5] ». Tant qu’il n’y aura pas de remise en cause du modèle productiviste, nous continuerons cette fuite en avant. André Gorz, dans son dernier article, nous l’avait rappelé : « La décroissance est un impératif de survie. Mais elle suppose une autre économie, un autre style de vie, une autre civilisation, d’autres rapports sociaux. En leur absence, l’effondrement ne pourrait être évité qu’à force de restrictions, rationnements, allocations autoritaires de ressources caractéristiques d’une économie de guerre. La sortie du capitalisme aura donc lieu d’une façon ou d’une autre, civilisée ou barbare. La question porte seulement sur la forme que cette sortie prendra et sur la cadence à laquelle elle va s’opérer. La forme barbare nous est déjà familière.  […] Une forme civilisée de la sortie du capitalisme, en revanche, n’est que très rarement envisagée. » 

[^2]: Voir le site globalcarbonproject.org.

[^3]: « The geographical distribution of fossil fuels unused when limiting global warming to 2° », Christophe McGlade et Paul Ekins, Nature n° 517, 2015.

[^4]: Lire : « COP 21, anthropocène et capitalisme », Politis n° 1373, 14 octobre 2015.

[^5]: EcoRev’ n° 43, ecorev.org.

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