État d’urgence : Une répression hors de contrôle

Les abus liés aux procédures expéditives menées depuis que le chef de l’État a décrété l’état d’urgence sont innombrables, notamment contre les militants écologistes.

Erwan Manac'h  • 9 décembre 2015 abonné·es

Pas moins de 2 235 perquisitions administratives et 300 assignations à résidence pour 334 armes saisies, dont 200 en une seule prise chez un collectionneur de la Somme un brin obsessionnel : le dernier bilan de l’état d’urgence, brandi comme un trophée par le ministère de l’Intérieur, témoigne d’un déploiement un peu hasardeux des moyens policiers. Dans le détail, la plupart de ces interventions n’ont aucun lien avec la moindre enquête pour terrorisme, et l’absence de contrôle judiciaire décuple le risque d’abus. Comme cet appartement saccagé à Strasbourg par la police, qui a confondu une fiole de bicarbonate avec de la drogue. Ou ce Toulousain assigné à résidence depuis le 16 novembre au motif qu’il serait salafiste… alors qu’il est de confession catholique. En marge de la conférence de Paris pour le climat (COP 21), l’état d’urgence est allégrement utilisé pour « nettoyer » Paris des militants suspectés de vouloir jouer les trouble-fêtes. Depuis la répression de la manifestation du 29 novembre (lire Politis n° 1380), de nombreux témoignages rapportent des cas d’interpellations dans la capitale en marge d’actions, ou sur simples contrôles au faciès. Vendredi 4 décembre, des dizaines de militants et de journalistes ont été violemment expulsés du Grand Palais, où une contre-visite guidée était organisée dans les allées du salon « Solutions 21 » pour dénoncer le « greenwashing » des grandes entreprises françaises.

La sévérité est surtout de mise contre les ressortissants étrangers. Un Belge a été expulsé à la suite de la manifestation du 29 novembre et deux obligations de quitter le territoire ont été prononcées. Notamment contre une Belge résidant en France, interpellée le 28 novembre lors d’un contrôle d’identité dans le métro parisien, sans autre motif que son look et sa fiche de renseignement mentionna
nt un passif militant. Un Suisse résidant à Tarnac (Corrèze) s’est également vu signifier une interdiction de séjour sur le territoire français, où il travaille et élève son fils de 6 mois, au motif qu’il serait « en lien avec la mouvance d’extrême gauche ». Au total, ils sont 64 à avoir fait l’objet d’un arrêté d’interdiction de séjour sur le territoire français, selon le ministère de l’Intérieur. Les mesures d’exception prévues par l’état d’urgence ont également été utilisées à Calais pour interdire toute circulation à pied au bord de la RN 216. Cette rocade à quatre voies qui contourne la ville est empruntée par les réfugiés pour se déplacer en évitant le centre-ville.

Société Police / Justice
Temps de lecture : 2 minutes

Pour aller plus loin…

« J’aimerais qu’on combatte le système qui rend les étrangers fous »
Témoignage 18 décembre 2025 abonné·es

« J’aimerais qu’on combatte le système qui rend les étrangers fous »

À l’occasion de la Journée internationale des migrants ce 18 décembre, des collectifs appellent à une grève antiraciste, la « Journée sans nous ». Politis a rencontré Ousmane, sans-papiers guinéen. Il raconte la mécanique d’un système « qui profite des sans-papiers » et les pousse à bout.
Par Pauline Migevant
« Le mérite existe-t-il ? » : notre sélection pour aller plus loin
Sélection 17 décembre 2025

« Le mérite existe-t-il ? » : notre sélection pour aller plus loin

Une sélection de la rédaction de Politis, pour compléter la lecture du numéro spécial « Vouloir n’est pas pouvoir. Le mérite extiste-t-il ? », à retrouver sur la boutique en ligne ou sur le site du journal.
Par Politis
Kaoutar Harchi, Dylan Ayissi : « Le mérite est une notion piège »
Entretien 17 décembre 2025 abonné·es

Kaoutar Harchi, Dylan Ayissi : « Le mérite est une notion piège »

Dans un entretien croisé, Kaoutar Harchi, autrice et sociologue, et Dylan Ayissi, président de l’association Une voie pour tous, remettent en question la notion de mérite dans un système scolaire traversé par de profondes inégalités.
Par Kamélia Ouaïssa et Hugo Boursier
Féris Barkat : former et transformer
Portrait 17 décembre 2025 abonné·es

Féris Barkat : former et transformer

Entre plateaux de télévision, activisme et son nouveau poste d’enseignant, Féris Barkat transforme la visibilité en responsabilité. À seulement 23 ans, le jeune Strasbourgeois, fraîchement arrivé à Paris, veut créer du changement, collectivement.
Par Kamélia Ouaïssa