Les petits arrangements financiers de scientifiques climato-sceptiques

Chloé Dubois (collectif Focus)  • 9 décembre 2015 abonné·es
Les petits arrangements financiers de scientifiques climato-sceptiques
© AFP PHOTO/PAUL J. RICHARDS

Ce mardi 8 décembre, Greenpeace a publié une enquête édifiante, dévoilant les manœuvres de certains universitaires américains climato-sceptiques. Diffusée en parallèle de la conférence pour le climat (COP21), cette investigation dénonce une corruption d’ampleur dans les grandes universités américaines, et interroge l’objectivité de certains scientifiques renommés. À l’heure où les grands de ce monde sont censés trouver un accord visant à maintenir l’augmentation des températures en-dessous de 1,5°C – Greenpeace rappelle le manque d’engagement des États-Unis et s’interroge sur les liens à établir entre cette situation, et les résultats de l’enquête. En effet, ce manque d’engagement repose t-il «sur un savoir objectif et le mandat d’une population éclairée, ou sur les intérêts particuliers de ceux qui ont les moyens de s’offrir des mensonges scientifiques ?»

Des militants sous couverture

Pendant six mois, des membres du bureau anglais de Greenpeace se sont fait passer pour des représentants d’entreprises de charbon et de pétrole, raconte l’ONG. L’objectif ? Enquêter sur le travail académique sur les énergies fossiles. Les défenseurs de l’environnement ont d’abord endossé le rôle d’une compagnie pétrolière du Moyen-Orient, et demandé au professeur William Happer, universitaire climato-sceptique, de rédiger «un article favorable à l’exploitation du pétrole et du charbon pour les pays en voie de développement, contre rémunération» , sans «divulguer sa source de financement» .

Ils ont également contacté le professeur Frank Clemente, sociologue à l’université de Pennsylvanie, lui demandant de rédiger un rapport afin de «contrer les recherches préjudiciables qui établissent un lien entre le charbon et les morts prématurées, en particulier le chiffre de l’OMS selon lequel 3,7 millions de personnes meurent chaque année de la pollution des combustibles fossiles» . Après avoir donné son accord – aux militants sous couverture – le professeur aurait demandé «15 000 dollars pour un article de 8 à 10 pages» .
L’enquête met en évidence la possibilité, pour des universitaires, de publier sans déclarer leurs sources de financement : «A l’appui, Frank Clemente a cité l’exemple d’un discours et d’une tribune financés par Peabody Energy, le plus grand charbonnier de la planète, ajoutant : «Dans aucun de ces cas, le sponsor n’a été identifié. Je publie tout mon travail en tant que chercheur indépendant.»»

Conflits d’intérêt

Les membres de Greenpeace sont même allés plus loin en proposant au professeur William Happer, qui siège au Conseil consultatif académique de la Fondation sur le réchauffement climatique (Global Warming Policy Foundation – GWPF), de soumettre le rapport financé par l’industrie au processus de «validation par des pairs» , ce que ce dernier aurait accepté, selon la correspondance publiée. Cette validation aurait permis «un examen attentif par les pairs» consistant «à faire évaluer les rapports par des membres du Conseil consultatif et d’autres scientifiques sélectionnés, plutôt que de les présenter à une revue universitaire» .

En pleine négociations pour trouver un accord sur le climat, cette enquête interroge :

«Combien de rapports scientifiques invalidant le réchauffement climatique ou minorant sa dynamique ont été financés directement par l’industrie du pétrole, du charbon et du gaz ?
Quelle est la part de responsabilité des entreprises fossiles, think tanks intéressés, universitaires véreux, dans le scepticisme ahurissant dont fait preuve la majorité sénatoriale américaine vis-à-vis du dérèglement climatique ?
Quel impact sur les représentations collectives et les croyances populaires dans la société américaine ? Combien de conflits d’intérêts latents, discrets, ont cours au Bourget parmi les experts qui hantent les couloirs ?»

Écologie
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