BDS : Pour l’abrogation des circulaires Alliot-Marie

Nous publions ci-dessous une lettre ouverte adressée le 19 janvier à la ministre de la Justice, Christiane Taubira, par la Ligue des Droits de l’Homme, la CGT et l’Association France Palestine Solidarité.

Collectif  • 21 janvier 2016
Partager :
BDS : Pour l’abrogation des circulaires Alliot-Marie
© **Françoise Dumont**, Présidente de la LDH
, **Philippe Martinez**, Secrétaire général de la CGT, **
Taoufiq Tahani**, Président de l’AFPS. Photo : MARTIN BUREAU / AFP

Madame la ministre,

Depuis maintenant plus de trois ans, nous vous alertons au sujet des circulaires Alliot-Marie et Mercier invitant les procureurs, à partir d’une lecture intentionnellement biaisée de la loi de 1881 sur la presse, à engager des poursuites contre les militants de la campagne internationale BDS appelant au boycott, au désinvestissement et aux sanctions à l’égard d’Israël.

Les actions s’inscrivant dans ce cadre sont pourtant clairement la manifestation d’un engagement citoyen relevant de la libre expression de chacun et non d’un quelconque appel à la discrimination, et ce quel que soit le positionnement respectif de nos organisations quant à la campagne BDS. Et le boycott lui-même est une action légitime comme vous l’avez vous-même soutenu naguère.

On avait pu penser que l’effet de ces circulaires s’éteindrait de lui-même. Il n’en est rien. La Cour de cassation a rendu le 20 octobre dernier deux arrêts validant la condamnation de militants de Mulhouse dans une affaire où ils avaient été relaxés en première instance. Cinq autres militants sont poursuivis à Toulouse pour une simple distribution de tracts. L’action nationale lancée à l’initiative de l’Association France Palestine Solidarité (AFPS) le 7 novembre dernier pour demander aux enseignes de la grande distribution de ne plus proposer à la vente des produits en provenance des colonies israéliennes risque fort de se traduire par de nouvelles mises en cause.

Le Premier ministre, interrogé sur ces circulaires, a précisé dans un courrier au secrétaire général de l’AFPS que ce dossier relevait de votre responsabilité. Par un courrier en date du 20 novembre 2015, le Président de la commission des lois de l’Assemblée nationale a lui-même souligné que la question de l’abrogation de ces circulaires « méritait indubitablement d’être posée ».

Le moment dramatique que nous vivons après les monstrueux attentats de Paris ne rend que plus nécessaire la suppression de cette circulaire. Il est impératif, si l’on veut s’opposer de façon crédible par tous à toutes les formes de racisme et singulièrement à l’antisémitisme, de marquer que la critique de la politique d’un État ne saurait être confondue avec la mise en cause d’une population. Ne pas oser le faire ne pourrait que renforcer une fracture et une incompréhension graves dans toute une partie de la population et de notre jeunesse alimentant les fantasmes antisémites que nous combattons.

Les démarches initiées par Jean-Claude Lefort, député honoraire et Président d’honneur de l’AFPS, comme les courriers qu’il vous a adressés avec la CGT et la LDH n’ont abouti à rien. C’est solennellement qu’au nom de nos organisations, intransigeantes vis à vis de toute manifestation de racisme et de discrimination, nous nous adressons aujourd’hui à vous.

Nous vous le demandons, Madame la ministre, abrogez sans plus attendre ces circulaires déshonorantes pour notre pays auxquelles il serait paradoxal que votre nom reste à son tour attaché.

Nous vous prions d’agréer, Madame la ministre, l’expression de nos sentiments les plus distingués.

Paris, le 19 Janvier 2016

Publié dans
Tribunes

Des contributions pour alimenter le débat, au sein de la gauche ou plus largement, et pour donner de l’écho à des mobilisations. Ces textes ne reflètent pas nécessairement la position de la rédaction.

Temps de lecture : 3 minutes
Soutenez Politis, faites un don.

Chaque jour, Politis donne une voix à celles et ceux qui ne l’ont pas, pour favoriser des prises de conscience politiques et le débat d’idées, par ses enquêtes, reportages et analyses. Parce que chez Politis, on pense que l’émancipation de chacun·e et la vitalité de notre démocratie dépendent (aussi) d’une information libre et indépendante.

Faire Un Don

Pour aller plus loin…

Une semaine avant la fusillade à Rennes, les jeunes se mobilisaient contre la violence
Tribune 24 avril 2025

Une semaine avant la fusillade à Rennes, les jeunes se mobilisaient contre la violence

Après les fusillades qui ont éclaté dans le quartier Villejean-Kennedy, le 17 avril, le président de l’association Rennes Commune, Ulysse Rabaté, dénonce la stigmatisation dont ont été victimes les familles populaires dans le discours du gouvernement, alors qu’elles sont aussi mobilisées sur le terrain contre les violences.
Par Ulysse Rabaté
Criminalisation de la solidarité avec Gaza : pour la relaxe d’Anasse Kazib et de tous les soutiens de la Palestine
Tribune 23 avril 2025

Criminalisation de la solidarité avec Gaza : pour la relaxe d’Anasse Kazib et de tous les soutiens de la Palestine

Yanis Varoufakis, Pablo Iglesias, Angela Davis, Annie Ernaux, Ken Loach et plus d’un millier de personnalités appellent au soutien des défenseurs de la cause palestinienne menacés partout dans le monde.
Par Collectif
Dominer et soumettre : un idéal qui traverse l’histoire des institutions policières
Tribune 17 avril 2025

Dominer et soumettre : un idéal qui traverse l’histoire des institutions policières

Dans une tribune, Lucas Lévy-Lajeunesse, professeur de philosophie, membre de la LDH et auteur d’un livre sur la Brav-M, revient sur les dérives de ces brigades, alors que s’est ouvert le 3 avril dernier un procès d’agents, pour des violences commises lors d’une manifestation en 2023 contre la réforme des retraites.
Quand la Justice indispose le FN-RN
Tribune 8 avril 2025

Quand la Justice indispose le FN-RN

Christiane Taubira, ex ministre de la Justice, revient sur la condamnation de Marine Le Pen et des cadres du RN, et sur les risques que leurs attaques méthodiques contre l’institution judiciaire font peser sur notre démocratie et notre État de droit.
Par Christiane Taubira