Cuba : Négocier le grand tournant
En attendant la levée totale du blocus et le retour des États-uniens, l’île rebelle est en pleine mutation économique, entre enrichissement et hausse des inégalités. Correspondance de Françoise Escarpit.
dans l’hebdo N° 1386 Acheter ce numéro
La circulation automobile a augmenté à La Havane. On ne voit plus guère de vélos ou de carrioles tirées par des chevaux. Les limousines américaines colorées et délabrées, les vieilles Lada et les Skoda servent de taxis collectifs, suppléant un réseau d’autobus encore insuffisant pour couvrir l’immense agglomération. Mais ce qui frappe le plus, en arrivant dans la capitale, ce sont les attroupements, surtout en fin d’après-midi, autour d’hôtels ou d’institutions gouvernementales. Il s’agit des hotspots Wi-Fi où, moyennant des cartes à 2 euros de l’heure, peuvent se connecter les possesseurs de téléphones portables ou d’ordinateurs. Beaucoup de jeunes, mais pas seulement. On appelle la famille à Miami, on regarde la photo du petit dernier, on parle des difficultés quotidiennes, du prochain voyage, on règle un divorce à l’autre bout de l’île ou la vente d’une maison. On parle, on rit, on pleure… Le prix de la connexion ne semble pas dissuasif. De nombreux jeunes de 20 à 35 ans, qui sont nés ou ont grandi pendant la « période spéciale [^2] », ne pensent d’ailleurs plus guère en pesos cubains (CUP) mais directement en devises [^3]. Ils n’ont pas choisi l’université mais des études « utiles », travaillent