Des idées pour la suite

Quatre responsables de la gauche de gauche livrent leur vision d’une force politique de gauche renouvelée.

Denis Sieffert  et  Michel Soudais  • 20 janvier 2016 abonné·es
Des idées pour la suite
© Photo : JEAN-SÉBASTIEN EVRARD/AFP

Égalité, progrès, solidarité… Mais aussi écosystème, implication citoyenne… Olivier Dartigolles, Éric Coquerel, Clémentine Autain et Pierre Larrouturou ont répondu à nos questions sur les valeurs et la forme d’un nouveau projet à gauche.

Si vous aviez à définir en quelques mots les valeurs et quelques grands principes de la gauche, que diriez-vous ?

Olivier Dartigolles (PCF) : Les valeurs de progrès et d’égalité, qui ont trop perdu de terrain. C’est par une reconquête idéologique que passera la refondation de la gauche.

Éric Coquerel (PG) : Les principes républicains, en allant jusqu’au bout de l’égalité des citoyens, de l’égalité sociale, et sur tout le territoire ; la souveraineté populaire et l’intérêt général supérieur au marché, notamment sur les questions climatiques ; une France au service de la paix et de la coopération, et non d’intérêts de puissances extérieures.

Clémentine Autain (Ensemble !) : La relance du progrès humain. L’idée que nos enfants ne vivront pas plus mal que nous et que nous allons faire progresser le droit ; la solidarité et le lien social du partage des richesses.

Pierre Larrouturou (Nouvelle Donne) : Croire en la justice sociale et en la fraternité. Ne pas se résigner à voir des pauvres dans la rue. Et être convaincus que l’action et l’intelligence collectives peuvent changer les choses.

Que mettriez-vous au centre d’un projet politique ?

O. D. : Des réponses de gauche crédibles pour apporter des solutions au chômage et à tout ce qui précarise les vies. Il faut aussi reconstruire un imaginaire collectif, reparler d’espérance.

É. C. : Une république écosocialiste, à la fois critique radicale du capitalisme, du productivisme et du consumérisme. Par rapport à toutes les grandes questions que posait le socialisme au XXe siècle, il reste à poser la question numéro un, celle de l’écosystème dans lequel nous continuons à respirer.

C. A. : La relance d’une politique industrielle à partir de la transition énergétique, une société soucieuse de la qualité de la vie et de l’environnement. Sortir de la monarchie présidentielle, et une logique de paix, loin de la politique sécuritaire, de l’état d’urgence et des lois Macron. L’extension du socle des droits. Sécuriser les parcours professionnels et créer des emplois utiles : la société a des besoins pour mieux vivre. Une stratégie par rapport à l’Europe sans tentation protectionniste ni d’européisme béat et acritique.

P. L. : Lutter contre le découragement. Faire en sorte que les citoyens prennent leur avenir en main. Rechercher des convergences sur les grands problèmes : le logement, l’Europe, le temps de travail. Aller vers plus de justice sociale.

Quelle stratégie proposez-vous pour y parvenir ?

O. D. : Nous sommes dans une nouvelle situation politique, grave et dangereuse, avec le risque d’un effacement d’une vraie gauche. La première étape d’une refondation est un processus de rencontres et de dynamique citoyenne pour décider des grandes questions que nous voulons remettre en haut de l’affiche. Ces initiatives doivent permettre au plus grand nombre, et à toutes les sensibilités de la gauche, de s’y sentir à l’aise.

É. C. : Nous devons être indépendants par -rapport aux forces du système. Cela suppose de ne pas paraître s’intégrer dans le tripartisme et ne pas laisser penser qu’il pourrait y avoir une unité factice de « la gauche » au seul nom de la lutte contre l’extrême droite et la droite. Il faut faire émerger une force à vocation majoritaire, sans se contenter d’être une addition de partis. La stratégie, c’est de s’emparer de la présidentielle, parce que c’est le seul moment de repolitisation, et d’en profiter pour lancer un mouvement permettant de casser le cadre de cartel de partis. La présidentielle peut être l’occasion de recomposer le champ politique.

C. A. : L’axe, c’est de s’opposer à la politique gouvernementale. Nous avons la responsabilité de faire émerger une coalition nouvelle. Le plus important n’est pas le rapport au PS. La vraie question, c’est ce que nous proposons, nous.

P. L. : Il faut jouer le jeu de la primaire à gauche. Ne pas avoir peur de la confrontation et faire confiance au peuple. Il y a eu des surprises en Grèce, en Espagne avec Podemos, en Grande-Bretagne avec la victoire de Jeremy Corbyn au sein du parti travailliste, il peut y avoir une surprise en France.

Quelle forme d’organisation préconisez-vous ?

O. D. : Je crois important de ne pas décider aujourd’hui de l’atterrissage. Cette question sera discutée par les communistes dans le cadre de la préparation de leur congrès de juin. Personnellement, je crois que le sujet prioritaire est celui des convergences, d’une plateforme commune d’idées et de solutions portées partout par le rassemblement de gauche le plus large, et en lien permanent avec les mobilisations.

É. C. : Plutôt un mouvement, même si, en mon for intérieur, je ne vois pas trop ce qui sépare un mouvement de type Podemos d’un parti. Ce qui suppose d’accepter qu’il y ait des structures de base homogènes dans lesquelles toute personne compte pour une voix sans qu’on donne une supériorité à son appartenance partisane. Faire en sorte que ces structures puissent décider de ce que fera le mouvement. Enfin, prendre en considération qu’il existe aujourd’hui une nouvelle forme de communication à travers les réseaux sociaux et renouveler les formes de décision et d’implication citoyenne dans les mouvements. Cela, la campagne présidentielle peut l’engager à travers des comités de campagne citoyens dont la première fonction serait de décider du programme pour la présidentielle et des législatives, ainsi que des candidats aux législatives. On peut ainsi construire, en marchant, un mouvement qui perdure et devienne l’élément de la recomposition de tout notre espace politique.

C. A. : Il faut de l’organisation politique mais, en même temps, les partis tels qu’ils ont existé au XXe siècle sont obsolètes. Il faut réfléchir à des formes plus horizontales et plus larges, qui doivent savoir faire vivre des forces politiques diverses. Il faut accepter du commun et accepter de ne pas hégémoniser. Mais il faut aussi une place pour les individus et tenir compte du rythme de la vie. On ne fera pas non plus l’impasse sur les organisations, mais pensées comme des mouvements, dans des logiques moins pyramidales, et qui intègrent le bouillonnement social et intellectuel. Ensemble ! propose un comité de liaison qui rassemble tous ceux qui veulent reconstruire une gauche.

P. L. : Je ne crois plus en une stratégie de reconquête comme celle de Mitterrand au congrès d’Épinay en 1971. Mettre des chefs dans une salle de congrès, ça ne marche plus. Il faut s’appuyer sur le mouvement social à partir de luttes comme celle contre le Tafta.

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Quelle gauche pour demain ?
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