Fipa de Biarritz : « La nécessité de montrer »

À Biarritz, le Festival international des programmes audiovisuels ouvre sa 29e édition, avec une fibre sociale marquée, entre documentaires et fictions.

Jean-Claude Renard  • 13 janvier 2016 abonné·es
Fipa de Biarritz : « La nécessité de montrer »
Fipa, Biarritz, du 19 au 24 janvier. Programme complet sur www.fipa.tv
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Équipe hétéroclite s’il en est. Certains viennent de Côte d’Ivoire, du Cap Vert, d’autres du Sénégal ou du Brésil. La plupart des joueurs de l’Afro Napoli United sont des immigrés. Pas moins de quinze joueurs sur les vingt inscrits au club de Naples. Tous ont à peu près la vingtaine. Sans permis de séjour et en quête d’attestation de résidence. C’est le cas pour Maxime, Adam ou Lello. L’équipe de foot de l’Afro Napoli est née en 2009, à deux pas de la place Garibaldi, et joue dans la périphérie de la capitale parthénopéenne.

Une équipe portée par son entraîneur et son président, aussi tenaces sur le terrain que dans le champ administratif. Parce que l’identité du club, sa marque de fabrique, repose d’abord sur l’intégration des joueurs, avec des dirigeants qui se chargent des régularisations nécessaires. Pas seulement pour qu’ils puissent être autorisés à jouer, mais pour qu’ils vivent sereinement en Italie. Accédant au niveau fédéral, entraîneur et joueurs se devront de gagner le championnat. Pour l’honneur, par fierté, par solidarité. Pierfrancesco Li Donni alterne les plans de Naples, dans l’ombre et la lumière du Vésuve, les moments d’entraînement, les terrains boueux et minables, les longues démarches administratives, les logements cradingues dans lesquels survivent les jeunes joueurs. Ce documentaire, Loro di Napoli (« ceux de Naples »), est à rapprocher de la fiction de Victor Oszkar Nagy, Bureau, plongeant à l’intérieur d’un établissement réservé à l’immigration, en Hongrie. Un service dans lequel exerce une nouvelle recrue, confrontée à diverses situations, tantôt absurdes, kafkaïennes, tantôt engluées dans les impasses administratives, révélant au passage les pressions subies par les fonctionnaires.

Les pressions, ce sont aussi celles que vivent les Barcelonais dans la Granja del Pas (« la ferme du Pas ») de Silvia Munt, victimes de la crise hypothécaire générée par les banques, écrasés par des prêts immobiliers toxiques. Beaucoup ont été expulsés, ou craignent de l’être, et tous trouvent au sein d’une association le réconfort et l’aide nécessaire. Débats vifs, animés, qui ne s’épargnent pas cependant de moments plus légers et dansants. Soutenus par les chaînes ou nés d’un financement plus compliqué, marginal, ces quelques films plantent le décor du 29e Festival international des programmes audiovisuels (Fipa), à Biarritz, marqué par une fibre sociale. C’est le cas pour la Bataille de Florange, de Jean-Claude Poirson, revenant sur le conflit entre les salariés d’Arcelor et Mittal, ou encore pour la Caravane reste, de Stéphane Mercurio, époustouflant documentaire sur le menu peuple installé dans un camping de l’Ain, tantôt par choix, tantôt faute de choix, fouillant l’intimité dans la sobriété, sans spectacularisation, dramatisant sans dramatisation. « Il est toujours difficile de dire comment s’opère une sélection, commente François Sauvagnargues, délégué général du Fipa. Il y a toujours une part de mystère dans ces films opposés les uns aux autres, jusqu’à trouver des points communs, des regards croisés. Il est vrai qu’ici certains ont une tonalité sociale, mais d’autres thèmes se sont aussi imposés, dans un contexte général comme celui des migrants, de l’Ukraine, du jihad. On n’a pas pu résister à la nécessité de montrer tous ces films, à côté d’œuvres plus tendres, plus proches des gens, donnant ainsi un équilibre à la sélection, en s’interrogeant toujours sur la forme, le montage, l’image, le point de vue de l’auteur… »

Reste l’éternelle question qui se pose au Fipa. Sur le nombre de films sélectionnés, projetés dans les salles de Biarritz, accessibles donc au public, combien seront acquis par les chaînes (en dehors de ceux déjà coproduits et assurés d’une diffusion), de sorte à être vus par le plus grand nombre sur le petit écran ? « Ce n’est certes pas l’intégralité des films, répond François Sauvagnargues, mais beaucoup finissent par être achetés par les chaînes. C’est aussi le rôle d’un festival de donner la possibilité aux professionnels de comparer, de s’interroger, de discuter entre eux et avec les diffuseurs. » Cette année, le choix se fera entre 140 œuvres, entre fictions, séries, documentaires et reportages.

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