La folie de Notre-Dame-des-Landes

La seule raison ne suffira pas avec de tels « décideurs ».

Jean Gadrey  • 20 janvier 2016 abonné·es

Folie des grandeurs, folie de barons locaux, folie politique, écologique, sociale et démocratique. Mais, à Notre-Dame-des-Landes, ils s’enferrent et ils sont même capables de passer en force, dans cette monarchie constitutionnelle où presque tout semble permis à des dirigeants une fois élus. Cela fait trois ans que des contre-expertises auraient dû conduire à annuler le projet d’aéroport. Tous les registres de la rationalité ont été utilisés. Mais, en face, le mensonge, les menaces et les provocations ont pris la place de la raison.

On doit à un géographe réputé, Jean Varlet, un article publié le 12 janvier dans le quotidien Presse Océan. Il y développe longuement ses réponses aux principales questions. L’actuel aéroport de Nantes Atlantique est-il saturé ? « Comment affirmer qu’avec un trafic de 4 millions de passagers, c’est-à-dire le quart d’une piste de Roissy, la piste de Nantes-Atlantique serait saturée ? » Celle-ci pourrait aisément supporter un doublement du trafic, ce qui poserait d’ailleurs d’autres problèmes, dont celui du climat, totalement évacué par les partisans du projet de Notre-Dame-des-Landes.

Le projet NDDL adopte-t-il une desserte ferroviaire directe à l’aérogare depuis et vers les diverses régions proches et Paris ? La réponse est négative et ne donne donc pas à Nantes les moyens d’une ambition – pourtant affichée – d’aéroport du Grand Ouest. Au terme d’un examen complet des autres enjeux, dont celui du bruit, Jean Varlet conclut : « Au vu de perspectives de déplacement non efficaces, de l’état des finances publiques, de la faiblesse des moyens, des dépenses non affichées à ajouter obligatoirement, et de ce que le citoyen devra supporter tôt ou tard, est-il possible, en gardant un peu de bon sens et de raison, d’éviter de s’engager dans une profonde erreur d’aménagement ? »

De leur côté, les responsables de l’association citoyenne Acipa, en pointe dans ce combat, viennent de publier sur le site Reporterre un « Nous accusons ! » aussi vigoureux que précis. Ils y dénoncent les mensonges et les manipulations que commettent responsables politiques et administrations dans ce dossier : « leur faillite intellectuelle et morale ». On y trouve toutes les pièces à conviction : rétention d’informations capitales, manipulation, mensonge, obstruction, incompétence… de la part de la Direction générale de l’aviation civile, de l’État, de la préfecture et d’une partie des élus locaux. S’y ajoutent la provocation et la manipulation de l’opinion publique de la part de ceux qui veulent criminaliser et discréditer l’opposition en l’assimilant àune « minorité ultra-violente ».

Voir aussi l’analyse de Maxime Combes sur son blog de Mediapart, le 12 janvier dernier : « Pour le climat, abandonner l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes ! », avec « cinq arguments étayés qui devraient s’imposer à qui désire être sérieux en matière de climat ».

On peut être certain que la seule raison, qu’il est essentiel de défendre, ne suffira pas avec de tels « décideurs », autocrates englués dans des cadres de pensée dépassés. Seul un puissant rapport de force et la sympathie grandissante des citoyens peuvent faire triompher la raison sur le béton.

Chaque semaine, nous donnons la parole à des économistes hétérodoxes dont nous partageons les constats… et les combats. Parce que, croyez-le ou non, d’autres politiques économiques sont possibles.

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