Placardisés : Des « cas » pas si particuliers
L’un est perçu comme trop vieux, l’autre trop gros, une autre encore a un conjoint qui déplaît… Trois salariés témoignent de leur mise à l’écart. Et de leur immense sentiment de solitude.
dans l’hebdo N° 1390 Acheter ce numéro

Le salarié indocile, celui perçu comme inutile ou celui qui en sait trop sont tous pris dans le même engrenage de mise à l’écart, dont les rouages sont identiques dans la Fonction publique et les entreprises privées. Isolés, ils subissent une grande solitude, mêlée d’un sentiment de culpabilité. Au déni des premiers jours succède souvent une profonde détresse qui peut conduire au pire.
« Ils baissaient les yeux en me croisant » Jacques 63 ans [^1]Ma placardisation dure depuis dix ans. Cette situation m’est tombée dessus du jour au lendemain, lorsque la filiale où je travaillais a été rachetée par une grande banque. J’étais alors responsable de formation et directeur adjoint des ressources humaines depuis vingt-cinq ans. Lors d’une visio-conférence collective, les nouveaux dirigeants du groupe m’ont annoncé devant tous les autres cadres que mon poste était supprimé. Je connaissais la culture de l’entreprise, je savais qu’avec le changement de direction j’allais passer à la trappe, mais tout s’est passé très vite et, surtout, ils ne m’ont proposé aucune reconversion. Je me suis retrouvé nu, sans solution pour me repositionner. Et ils ne m’ont jamais proposé un licenciement car ce n’était pas dans la tradition de l’entreprise.
Je n’avais rien à faire de mes journées, alors je remuais ciel et terre pour avoir un nouveau poste. J’ai écrit des dizaines de mails en interne. C’était impossible qu’une entreprise qui emploie 40 000 personnes ne me trouve rien. J’ai quand même passé des entretiens au sein du groupe, mais ceux qui me recevaient me considéraient comme un candidat lambda, ils ne pouvaient pas me