Syndicats : Le piège des « accords » et des « transactions »

La « simplification » du code du travail pourrait accentuer le déséquilibre entre les salariés et leurs patrons.

Erwan Manac'h  • 17 février 2016 abonné·es
Syndicats : Le piège des « accords » et des « transactions »
© Photo : ERIC FEFERBERG / AFP

« Ce qui freine les réformes indispensables, c’est la défense acharnée des intérêts acquis dans beaucoup de domaines. » L’attaque contre les syndicats lancée par l’ancien président de la Banque centrale européenne, Jean-Claude Trichet, dans une interview au Journal du dimanche le 14 février, résume à elle seule l’état d’esprit du gouvernement de Manuel Valls. Plusieurs verrous protégeant les salariés sont en effet menacés par la « révolution » qu’il prépare avec la réécriture du code du travail.

La mesure la plus spectaculaire a été confirmée le 11 février par le chef de l’État. Pour « faciliter un certain nombre d’évolutions », François Hollande propose de contourner, à l’aide d’un référendum, l’avis des syndicats majoritaires lorsqu’un accord d’entreprise est en négociation. La mise en place chaotique du travail dominical a révélé que les syndicats peuvent se montrer coriaces lorsqu’ils estiment que des accords sont déséquilibrés ou lorsqu’ils s’y opposent par principe. En consultant directement les salariés, souvent plus perméables au chantage à l’emploi que leurs délégués syndicaux, le gouvernement souhaite favoriser la généralisation d’accords dérogatoires au code du travail.

Le gouvernement poursuit également son entreprise de désarmement de la justice. Les indemnités prud’homales pour licenciement abusif seront plafonnées, comme Emmanuel Macron avait tenté de le faire avec sa loi de juillet, retoquée par le Conseil constitutionnel en août dernier. Le gouvernement s’accroche également à son idée de « transaction », que les employeurs pourront accepter en échange de l’abandon des poursuites pénales pour des atteintes au droit du travail [^1]. Une amende leur sera alors proposée dans le secret des bureaux de la Direccte, la maison mère de l’inspection du travail, sans possibilité pour les syndicats de se porter partie civile. Ce type de sanctions de substitution est déjà intégré dans certaines lois sur les stages et les travailleurs détachés. Ces « amendes administratives » doivent également être adoptées pour les affaires de corruption, selon la loi qui sera présentée le 23 mars au conseil des ministres, puis à l’Assemblée en avril.

Pour couronner le tout, plusieurs ministres se sont invités dans les négociations « paritaires » sur l’assurance chômage, qui s’ouvrent le 22 février, en priant les syndicats d’« étudier […] la dégressivité de l’assurance chômage ». En clair, les allocations des chômeurs de longue durée pourraient être ponctionnées pour réduire le déficit de l’Unedic. Le patronat, qui préférera cette option à une hausse des cotisations, se présente donc en position de force grâce au soutien de l’exécutif. Car, en cas d’échec des négociations, c’est bien le gouvernement qui reprendra la main en septembre.

Face à ces attaques coordonnées, syndicats, partis et associations de gauche ont lancé une campagne unitaire pour lever une mobilisation nationale dès la présentation de la loi El Khomri, le 9 mars en conseil des ministres.

[^1] Lire « Les “transactions pénales” permettront aux employeurs d’éviter les tribunaux », sur Politis.fr

Société Travail
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