Ce que prévoit le projet de loi
Cinquante-deux articles sur 166 pages, le texte de Myriam El Khomri ouvre la voie à une réécriture complète du code du travail.
dans l’hebdo N° 1397 Acheter ce numéro

Au commencement étaient les recommandations. Européennes, bien sûr. Depuis plusieurs années, Bruxelles suggère avec insistance à la France de réformer son « marché du travail ». Dans une « recommandation » on ne peut plus officielle, datée du 14 juillet 2015 et portant sur la période 2015-2016, le Conseil de l’Union européenne sommait ainsi le gouvernement de Manuel Valls de « faciliter, au niveau des entreprises et des branches, les dérogations aux dispositions juridiques générales, notamment en ce qui concerne l’organisation du temps de travail ». En clair, les entreprises doivent pouvoir adopter une organisation du travail moins protectrice que ce que prévoit la loi. Or, la multiplication de tels dispositifs dérogatoires est au cœur du projet de loi portée par la ministre du Travail, Myriam El Khomri. Ce texte vise, selon son intitulé officiel, « à instituer de nouvelles libertés et de nouvelles protections pour les entreprises et les actifs ».
Ce projet de loi de 52 articles sur 166 pages – le seul article 2 s’étend sur près de 57 pages ! – constitue le premier volet d’une réécriture complète du code du travail dont l’objectif affiché dans l’exposé des motifs est de « permettre une refondation de notre modèle social ». À cette fin, il crée en son article premier « une commission d’experts et de praticiens des relations sociales » qui enjamberales rendez-vous électoraux de 2017 puisqu’elle devra proposer « dans un délai de deux ans » au gouvernement issu des élections présidentielle et législatives « une refondation de la partie législative du code du travail ». S’il leur est demandé pour cela de s’appuyer sur les 61 « principes essentiels du droit du travail » établis par la commission Badinter, que reprend l’article 1, il n’est plus question de faire figurer ces principes en préambule du code du travail. Dénués ainsi de valeur juridique, ces principes, qui n’amènent aucun progrès – ils ne font que reprendre l’état actuel du droit – mais incluent des formulations ouvrant la voie à des régressions sociales, serviront uniquement « de base à une réécriture du code ».
Sans attendre le résultat des travaux de cette commission, le projet de loi adopté en conseil des ministres le 24 mars réécrit le code du travail sur des points essentiels touchant principalement à l’organisation du temps de travail.
Une loi par entrepriseLe projet de loi anticipe la « nouvelle architecture des règles » sur laquelle s’organisera le futur code. Chaque sujet est abordé en trois parties : la première définit des règles dites « d’ordre public », applicables à tous ; la seconde « le champ de la négociation collective », en établissant ce qui relève de l’accord d’entreprise ou de branche ; la dernière