Le temps des cerises bio
Interdits de diméthoate, insecticide dangereux, les producteurs prédisent un été « sans cerises ». Une alarme démentie par les cultivateurs biologiques, qui ont su s’adapter.
dans l’hebdo N° 1402 Acheter ce numéro

Début mai, Saint-Saturnin-lès-Apt, dans le pays du Luberon. Les cerises, de la taille d’un ongle, sont encore vertes dans les vergers de Jean-François Augier. De longs filets, enroulés sur leur câble comme des grands-voiles surplombent des rangs de fruitiers. Ils seront déployés dans quelques jours pour envelopper intégralement les arbres jusqu’au pied. Avec sa maille inférieure à deux millimètres, c’est une arme radicale contre drosophila suzukii. Cette petite mouche, subrepticement importée d’Asie dans quelque cale, a colonisé des vergers français à partir de 2010. Une hantise pour les producteurs : l’insecte pond dans les fruits, qui virent irrémédiablement à l’aigre. Si l’on ne fait rien, l’assaut peut compromettre une récolte entière en trois jours. Jean-François Augier, dont la cerise représente la moitié de sa production fruitière, a largement contribué à mettre au point la technique du filet au sein de la profession. Catégorie « bio ». En digne fils de son père, qui fut l’un des pionniers de l’établissement des labels « AB » en France dans les années 1980.
Un mois plus tôt, une dizaine de kilomètres plus au sud, c’est « massacre à la tronçonneuse » que jouent devant les caméras des dizaines de producteurs en colère. En quelques minutes, trois cents robustes cerisiers en pleine floraison sont débités et déblayés à la pelleteuse comme des déchets, dans une brutale allégorie du « suicide » des agriculteurs. « C’est désormais le seul moyen de lutter contre suzukii », clament ces producteurs. Catégorie « conventionnel ». Jusqu’à présent, ils combattaient la mouche au diméthoate,