Derrière la dépense publique…

300 milliards de PIB, sans un sou de profit pour le capital.

Jean-Marie Harribey  • 1 juin 2016 abonné·es
Derrière la dépense publique…
© Photo: GODONG / BSIP

En cette année préélectorale, le gouvernement a pris des mesures pour colmater quelques brèches sociales sur fond d’austérité. Le plan formation-emploi coûte 1,6 milliard d’euros, les agriculteurs recevront 900 millions, les fonctionnaires 600, et les jeunes 200. Les entreprises bénéficieront de 400 millions de plus en prolongeant le sur-amortissement de leurs équipements. Donc 4 milliards de dépenses supplémentaires par rapport à la loi de finance initiale, tandis que des nouvelles restrictions de 3 milliards sont prévues pour 2016 et de 2 milliards de plus en 2017. L’objectif reste de 50 milliards d’économies de 2015 à 2017 : 20 milliards pour la protection sociale, 19 milliards pour l’État et 11 milliards pour les collectivités locales.

Tous les prétendants de la droite dure veulent réduire les dépenses publiques de 100 milliards en cinq ans, supprimer 300 000 postes de fonctionnaires et certains envisagent d’en finir avec le statut de la fonction publique territoriale. Pourquoi se gêner quand on peut profiter du rabâchage sur l’illégitimité de la dépense publique qu’aucun gouvernement prétendument de gauche n’a combattue, au contraire ?

Il faut donc réintroduire un peu de raison dans le débat : qu’y a-t-il derrière la dépense publique ? Primo, le travail qui est effectué par des millions d’enseignants dans les écoles, collèges, lycées, universités, de soignants dans les hôpitaux, de bibliothécaires dans les municipalités, d’éducateurs sportifs dans les quartiers, etc., est un travail productif de services utiles mais aussi de valeur économique comptabilisée dans le PIB (environ 300 milliards annuels). Et sans un sou de profit pour le capital ! Car le paiement des services rendus par le travail dans la sphère monétaire non-marchande est socialisé via les impôts et les cotisations sociales. Mais les salaires des fonctionnaires ne sont pas prélevés sur la sphère marchande puisqu’ils sont la contrepartie de leur apport à la valeur ajoutée. Les impôts et cotisations sont prélevés sur un produit total déjà augmenté du produit non-marchand [^1].

Deuzio, les dépenses de fonctionnement sont toujours fustigées. Mais pourrait-on faire de la recherche dans des labos sans chercheurs ? Tertio, une grande partie des dépenses publiques nourrit l’activité privée. Qui bénéficie des investissements publics, notamment la construction des infrastructures, sinon le BTP (épelez ce sigle pour voir !) ? Où vont les salaires versés aux fonctionnaires, salaires nés de leur valeur ajoutée ? Ils sont largement consommés en s’adressant à la sphère marchande.

Encore un peu de raison dans le débat sur le revenu d’existence. Le parallèle avec l’activité monétaire non-marchande ci-dessus ne tient pas. Parce que celle-ci jouit d’une validation sociale ex ante du fait de la décision politique, par exemple, d’apprendre à lire et écrire à tous les enfants, et non pas d’un versement monétaire qui, lui, découle du travail productif. L’activité « libre » ne peut recevoir une telle validation collective a priori puisqu’elle est définie comme correspondant à un droit inconditionnel. Or, si on invente un nouveau droit, il faudra collectivement effectuer un travail validé pour le satisfaire.

Chaque semaine, nous donnons la parole à des économistes hétérodoxes dont nous partageons les constats… et les combats. Parce que, croyez-le ou non, d’autres politiques économiques sont possibles.

Temps de lecture : 3 minutes