Erdogan réprime tous azimuts

Le coup d’État avorté du 15 juillet a permis à Recep Tayyip Erdogan de faire un « grand ménage » dans toutes les sphères de la société.

Denis Sieffert  • 20 juillet 2016 abonné·es
Erdogan réprime tous azimuts
© Photo : Chris McGrath/Getty Images/AFP

C’est ce qu’on appelle un effet ­d’aubaine. Le coup d’État avorté du 15 juillet a permis à Recep Tayyip Erdogan de faire un « grand ménage » dans toutes les sphères de la société. Quelque six mille militaires ont été placés en garde à vue et près de trois mille mandats d’arrêt ont été délivrés à l’encontre de juges et de procureurs au lendemain de la tentative de putsch qui a fait au moins 290 morts, dont une centaine de putschistes. Le coup de filet s’étend bien au-delà des militaires factieux.

Après le soutien populaire des premières heures, l’inquiétude s’est rapidement propagée à Istanbul et à Ankara, principalement parmi les élites intellectuelles et les organisations des droits de l’homme. Une inquiétude relayée par les capitales occidentales. Pour preuve de sa volonté de procéder à des purges, Erdogan a dénoncé comme responsable de la tentative de coup d’État celui qu’il tient pour son principal adversaire, Fethullah Gülen. Or, celui-ci, réfugié aux États-Unis depuis 1999, n’a cessé de démentir des accusations peu crédibles en effet. Erdogan et Gülen se livrent à une concurrence d’autant plus rude qu’ils sont très proches l’un de l’autre idéologiquement.

Bien qu’éloigné de la Turquie, Gülen reste très influent via sa confrérie, Hizmet, un mouvement d’inspiration soufie qui dispute au parti présidentiel, l’AKP, l’hégémonie culturelle sur la population sunnite. Mais il y a peu de chances qu’il soit pour quelque chose dans une tentative de putsch organisée par des militaires kémalistes très antireligieux. Retournant la situation à son avantage, Erdogan en profite donc pour régler ses comptes avec tous ses opposants, hostiles à sa marche forcée vers un pouvoir présidentiel.

La répression tous azimuts traduit aussi des difficultés sur le plan régional. Obsédé par sa volonté d’affaiblir les organisations kurdes, le président turc a longtemps manifesté une certaine complaisance à l’égard de Daech. Contraint de rompre avec cette politique ambiguë à la suite de pressions internationales, il doit faire face aujourd’hui à une campagne d’attentats perpétrés par l’organisation jihadiste. Selon un schéma hélas classique, l’autocrate Erdogan renforce son pouvoir à mesure qu’il est affaibli sur la scène internationale. Et le putsch du 15 juillet lui donne prétexte pour éliminer les opposants et les esprits critiques.

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