Loi travail : « Le droit d’amendement méprisé »

André Chassaigne, président du groupe des députés Front de gauche, dénonce le non-respect « du droit d’amendement », empêchant la tenue « d’un débat démocratique digne de ce nom ».

Chloé Dubois (collectif Focus)  • 4 juillet 2016
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Loi travail : « Le droit d’amendement méprisé »
© Photo : FRANCOIS GUILLOT / AFP

Alors que le projet de loi travail revient mardi 5 juillet à l’Assemblée nationale pour un nouvel examen, le gouvernement fait tout pour accélérer les débats. Quitte à malmener les droits du Parlement. Ce qui suscite les protestations du président du groupe Gauche démocrate et républicaine (GDR), au sein duquel siègent les députés du Front de gauche.

Dans un communiqué, André Chassaigne s’est indigné des conditions de travail et du calendrier imposés aux députés concernant le projet de loi travail. En cause, un délai trop court entre la publication du texte et le dépôt des amendements avant son entrée dans l’hémicycle :

Les députés – déjà privés de débat en première lecture après l’utilisation par le Gouvernement de l’article 49.3 de la Constitution – sont maintenant empêchés d’exercer de manière effective leur droit d’amendement puisque les exigences de clarté et de sincérité des débats posées par le Conseil constitutionnel ne sont pas respectées.

En effet, si d’ordinaire les députés disposent d’au moins trois jours pour amender un projet de loi, ces derniers n’ont pu « profiter » que d’une journée et demi. Après le vote du Sénat, le 28 juin en fin d’après-midi, et l’échec de la Commission mixte paritaire convoquée dans la foulée, les députés n’ont pu prendre connaissance du projet adopté par le Sénat que le 29 juin à 10h50 pour examen en commission le lendemain 30 juin à 9h30. _« Ces délais extrêmement serrés ne nous ont déjà pas permis de pouvoir amender dans des conditions sérieuses le texte », se plaint André Chassaigne.

Modifié au pas de charge en commission – la plupart des modifications introduites par les sénateurs ont été supprimées et plusieurs changements rédactionnels introduits –, le texte du projet de loi qui sera examiné en séance plénière a été communiqué aux députés le vendredi 1er juillet aux alentours de 14h30, détaille Emmanuel Larsonneur, collaborateur du groupe GDR, en charge des affaires sociales. Or, l’heure limite de dépôt des amendements était fixée le lendemain à 17h ; elle a finalement été repoussée à 20h. Résultat : pour proposer des amendements sur un texte qui compte 52 articles et plus de 100 pages, les députés ont dû travailler dans l’urgence.

« Ce n’est pas sérieux, s’étrangle Emmanuel Larsonneur. En général, nous avons entre trois jours et une semaine pour étudier un projet de loi et l’amender. » Selon lui, si aucun délai n’est légalement prévu par le règlement de l’Assemblée nationale,  « il doit s’écouler trois jours entre le moment du dépôt et celui de l’examen en séance ». Le collaborateur du groupe GDR rappelle « que le Conseil Constitutionnel prévoit le principe de clarté et de sincérité, destiné à assurer le respect du droit d’amendement ». Un droit inscrit à l’article 44 de la Constitution qu’André Chassaigne estime bafoué, alors qu’il s’agit « d’un texte qui va bouleverser les conditions de travail de millions de français ».

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