Questions après Nice
Des sociologues, des psychanalystes, des syndicalistes, des spécialistes du jihadisme nous livrent leur analyse d’un événement qui a bouleversé notre pays.
dans l’hebdo N° 1413-1415 Acheter ce numéro

Le massacre commis par un homme qui a jeté son camion dans la foule des promeneurs, fauchant 84 vies au soir du 14-Juillet à Nice, ne cesse d’interroger notre société. Qui était-il ? Avait-il des liens avec Daech ? Pouvait-on éviter le crime ? Que penser de la réaction des politiques ? Cet événement est-il en rapport avec la situation en Syrie et en Irak ? Politis a interrogé plusieurs spécialistes.
Quels effets la tragédie de Nice peut-elle avoir sur la société française ?Le sociologue Michel Wieviorka [^1] note combien le consensus, cette fois, s’est rapidement « dissous », notamment du fait de la logique « hautement conflictuelle » de la campagne présidentielle. Pour le psychanalyste Gérard Haddad [^2], la société française va désormais vivre « dans une réelle angoisse », doublée d’un « effet dépressif qui peut vite se traduire par une certaine violence, à l’instar des huées accueillant à Nice Manuel Valls, venu pour la cérémonie d’hommage aux victimes. Mais le risque principal est bien sûr une montée encore plus forte de la haine des musulmans, dans une recherche du bouc émissaire classique en ce cas ». Pourtant, ces risques de réactions violentes au sein de la société tiennent aussi, pour Michel Wieviorka, « à la crise politique actuelle » après que le pouvoir a « hystérisé le pays avec une loi travail rejetée par les trois quarts de la population »…
La démocratie française peut-elle être en danger ?Les principes de la démocratie sont d’ores et déjà bien entamés, notamment avec la quatrième prorogation de l’état d’urgence, annoncée au lendemain de l’attentat.
Pour la présidente de la Ligue des droits de l’homme (LDH), Françoise Dumont, « la loi Urvoas, par les compétences sécuritaires qu’elle octroie à l’exécutif, organise déjà une sorte d’état d’urgence sans état d’urgence. Il y a donc lieu de considérer notre démocratie en danger, car l’équilibre entre les pouvoirs judiciaire, exécutif et législatif est rompu au profit du seul exécutif. En habituant en outre les gens à l’idée qu’on peut se passer du pouvoir judiciaire ; comme si on ne pouvait pas faire confiance aux juges ! ». Une « dérive autoritaire », selon elle,