Grève chez SFR : chronique d’un désastre annoncé

Les salariés de SFR se mettent en grève aujourd’hui pour dénoncer les milliers de suppression de postes à venir dans l’entreprise.

Pauline Graulle  • 31 août 2016 abonné·es
Grève chez SFR : chronique d’un désastre annoncé
© Photo : Geoffroy Van der Hasselt/AFP

« Il n’y aura aucun licenciement sec chez SFR entre 2014 et 2019 », a voulu rassurer, sur France Inter ce matin, le PDG de l’opérateur. Pas de licenciements, peut-être, mais des suppressions de postes, c’est certain. Les salariés, qui ont entamé une grève ce mardi 6 septembre, l’ont bien compris.

Reste à savoir précisément de combien de postes Patrick Drahi, l’acquéreur de SFR en 2015, voudra se débarrasser. En déclarant, au mois de juin depuis New York, qu’il y avait « trop de salariés » dans l’entreprise, l’homme d’affaires avait annoncé la couleur. Selon la CGT et SUD, 5 000 emplois pourraient disparaître. Sans parler des milliers de sous-traitants…Même la très mesurée CFE-CGC pronostique une « effrayante hécatombe » et s’est jointe à l’appel à la grève organisée aujourd’hui chez SFR. Seule la CFDT réserve pour l’instant son jugement. Dans l’attente d’un miracle ?

Un tiers des effectifs

L’histoire a tout du désastre annoncé. En 2012, l’arrivée du 4e opérateur, Free, a converti le marché jadis florissant des télécoms au low cost mortifère. Au menu, un impitoyable dumping social et la chute des investissements. Résultat, ni la fibre ni la 4G n’apparaissent désormais comme des relais de croissance suffisants pour les actionnaires surpuissants du secteur. Notamment pour le milliardaire Patrick Drahi, qui doit rembourser les dettes contractées par sa société Altice.

Alors c’est la purge. Suppression des RTT chez Bouygues et de postes chez SFR. La saignée continue aussi chez Orange, où 7 000 départs par an sont prévus jusqu’en 2020. « Le problème, c’est que l’autorité de la concurrence et le ministère, qui ne comprennent rien aux enjeux, ont validé l’attribution des licences 4G sans demander aucune garantie sur l’emploi », explique Sébastien Crozier, président CFE-CGC Orange. Quant à la promesse de « Drahicula » (gentil surnom donné par ses ouailles) de ne pas toucher à la masse salariale de SFR Group avant l’été 2017, elle a fait long feu.

Aujourd’hui, la CFDT maison affirme avoir sauvé les meubles en arrachant à la direction le maintien de 10 000 postes au minimum (sur près de 15 000) ainsi qu’un plan de départs volontaires en lieu et place d’un plan social – avec licenciements secs. « Ce n’était pas gagné, car la loi nous laisse de moins en moins de possibilités d’action, surtout depuis que la loi El Khomri permet de licencier au bout de trois mois de baisse du chiffre d’affaires », explique ­Laurent Peunon, délégué CFDT, syndicat signataire de… la loi El Khomri.

Reste que, dans un secteur traumatisé par les suicides à France Télécom, on sait que le mot « volontaire » est tout relatif. Surtout quand le départ concerne un tiers des effectifs. « On ne laissera personne partir pour aller pointer à Pôle emploi, assure pourtant Laurent Peunon. Et s’ils ne veulent pas partir, ils resteront, tant pis pour la direction. » Pas sûr que cela fasse peur à Drahi !

Travail
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