La voix des peuples avant le profit

Concerts, performances artistiques, créations plastiques… Près de 200 événements culturels ont été programmés pendant le forum social mondial. Sélection, avec la conférence politique et artistique « Les peuples et la planète avant le profit ! » organisée par le Réseau québécois sur l’intégration continentale. Entre apostrophes, hommages et sensibilité artistique.

Patrick Piro  • 17 août 2016
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La voix des peuples avant le profit
photos Patrick Piro.

Studio-théâtre Alfred Laliberté, Université du Québec à Montréal, mercredi 11 août. Dans l’obscurité silencieuse, une tâche de lumière. La danseuse Claudia Bernal s’extirpe avec une peine calculée d’un filet suspendu pour tenter de se déployer sur la piste. La métaphore installe l’esprit de la soirée : entre luttes et poésie.

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Cindy Wiesner, du Grassroot global justice alliance (USA) accuse Hilary Clinton, en campagne pour la présidentielle, d’avoir trempé dans le coup d’État au Honduras qui a écarté le trop progressiste Manuel Zelaya du pouvoir. Soniamara Maranho, du Movimiento dos atingidos por barragens du Brésil frémit en évoquant l’horreur de Mariana, le déversement de millions de tonnes de déchets toxiques dans une rivière de son pays, « l’une des pires catastrophes fomentée par le libéralisme ». Vidéo. Chansons.

En Inde nous haïssons le mot développement, il est synonyme de pillage des ressources de notre terre. Mais nous ne lâcherons jamais !

rugit Shalmali Guttal, de Focus on the global South. Souffle glaçant quand Itzel Gonzáles, de la Red mesa de mujeres, fait revivre les suppliciées de Ciudad Juarez dans une longue complainte. « Non, nous ne sommes pas mortes, nous ne voulons pas être des croix rouges dans le désert, nous sommes les femmes en lutte ! » Chorégraphie.

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Et une voix surgie des âges cloue l’assistance, c’est celle du nigérian Isaac Asume Osuoka, du Gulf of Guinea citizens network. « Nous avons cru que nous serions libre le jour où le dernier navire négrier a quitté nos côtes. Pendant 400 ans, ils ont volé nos femmes, nos hommes, nos enfants. Ils les ont mis en cale comme des marchandises pour les vendre au marché libre.

Mais ils sont revenus. Ils se sont partagé la terre, ils ont appliqué leurs règles sur notre dos, ils ont détruit — les Français, les Anglais, les Allemands, les Belges, les Portugais. Alors nous avons lutté. Et ce fut l’Indépendance. Et nous avons cru que nous serions libre.

Mais ils sont revenus, pour l’or, le pétrole, le gaz naturel. Ils ont retourné la terre, et ils ont tué les opposants. Et nous avons lutté à nouveau, contre les grosses multinationales pétrolières. Mais pas seulement : aussi pour le contrôle de la terre, des ressources, de nos vie.

Et maintenant, la planète se réchauffe. Et regardez : ils viennent pour vous prendre, vous aussi. Car tout a un prix aujourd’hui, tout est devenu une marchandise. L’eau et l’air sont privatisés. Et comme ils ne veulent pas réduire leurs émissions ni leurs profits, ils ont inventé les marchés de carbone. Ils reviennent-ils parce que c’est un système, c’est le capitalisme. Nous n’avons pas tué la bête. Mais nous continuons à dire oui à la vie. »

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Pénombre. Vivianne Michel, femme autochtone du Québec, annonce que les Nations premières se lèvent, en « guerriers non-violents de la paix ». L’artiste Mykalle Bielinski slame dans une pulsation essouflée les chiffres du scandale des projets d’oléoducs. Et puis d’un seul trait pur, sa voix s’envole en une mélopée poignante qui cherche sa liberté parmi les nuages irisés qu’une vidéo aux plans chavirés projette sur un écran. Le Zapartiste Christian Vanasse, qui amuse la galerie en M. Loyal depuis le début de la soirée, endosse le registre de l’indignation. « Quand nous aurons pris en haine toutes nos servitudes, nous deviendrons des bêtes féroces de l’espoir ! »

Temps de lecture : 3 minutes
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