Cette fois-ci, ça ne va pas être possible

Sur le terrain du chauvinisme sécuritaire, les socialistes aussi se sont calés sur la propagande de l’extrême droite.

Sébastien Fontenelle  • 28 septembre 2016 abonné·es
Cette fois-ci, ça ne va pas être possible
© Jean-Christophe Cambadélis, premier secrétaire du Parti socialiste.Photo : GEOFFROY VAN DER HASSELT / AFP

J’étais parti pour te parler de Jean-Luc Mélenchon. Pour te dire combien m’a consterné qu’il réponde, après que Sarkozy venait de proférer que, « dès qu’on devient français, nos ancêtres sont gaulois », qu’un tel débat n’était « pas nul ». Ça m’a fait repenser à ce que disait Alain Badiou la semaine dernière dans Politis : « La politique réelle consiste à refuser le problème posé par l’adversaire et à imposer le sien propre. » Ce qui signifie aussi que ce n’est pas parce qu’un extrémiste de droite lance dans l’époque une énième provocation identitaire qu’on est obligé de le suivre sur son terrain – ou dans son marécage dégueulasse : c’est pourtant très exactement ce que fait Mélenchon lorsqu’il légitime un débat autour de la misérable saillie sarkozique.

Et donc j’étais parti pour te refaire, comme il y a quelques années, un billet sur le thème « Dr Jean-Luc et Mr Mélenchon » – avec, je le crains, beaucoup moins d’illusions que je n’en nourrissais à l’époque –, mais voilà que je tombe sur un truc qui m’énerve encore plus : une déclaration de Jean-Christophe Cambadélis, big boss du parti des socialistes à guillemets, qui explique qu’« on ne peut pas dire que la droite fait face au FN, parce qu’elle dit la même chose ». Sous-entendu : y a que nous, du P « S », qui fassions réellement face au Front national, à quelques mois de lourdes échéances électorales. Sous-entendu : ne pas voter pour le P « S » revient à faire le jeu du FN.

Faut qu’on s’habitue : on va bouffer de ce minable chantage 24 h/24 dans le prochain semestre. Comme à chaque veille d’élection. Mais il faut également (et surtout) qu’on prenne le pli de répondre à celles et ceux qui se livreront à cette pathétique manipulation que cette fois-ci, non, ça ne va définitivement pas être possible. Le pli, par exemple, de rappeler à Cambadélis qu’au mois d’avril dernier – ce n’est pas bien vieux – la Pen elle-même, qui pour le coup n’est pas la moins bien placée pour juger de ces choses-là, déclarait que, lorsqu’elle entendait Manuel Valls parler de l’islam, elle avait « l’impression de se lire ».

Le pli de rappeler que la droite dite républicaine n’est pas toujours seule à dire la même chose que le FN, et que sur le fangeux terrain du chauvinisme sécuritaire, les « socialistes » aussi ont depuis trois décennies calé leur propagande sur celle de l’extrême droite – jusqu’aux hallucinants propos de Valls (encore lui) sur les Roms ou les musulmans, puis dans l’apothéose de la tentative d’imposition de la déchéance de nationalité, liste non exhaustive. Avec ce résultat, que nous devrons également nous remémorer sans cesse qu’aujourd’hui le parti pénique caracole dans les sondages [^1] et fait aux scrutins des scores phénoménaux : il était, avant l’élection du « socialiste » Mitterrand, sous la barre
du 1 %.

« Face au FN », comme dit le sieur Cambadélis, le Parti « socialiste » fait partie du problème. En aucun cas de la solution.

[^1] Dont il convient, certes, de se méfier.

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

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