Il semblerait que vous vous moquiez

Nous gratifions collectivement Le Journal du dimanche d’importantes subventions.

Sébastien Fontenelle  • 21 septembre 2016 abonné·es
Il semblerait que vous vous moquiez
© Photo : GERARD JULIEN / AFP.

Hier matin, juste après l’aube, j’ai soudain été pris d’une furieuse envie aller faire un tour dominical sur le site du Journal du dimanche. (Je voulais lire les « confidences » exclusives de Manuel Valls [^1]: on a tou(te)s nos plus ou moins petites névroses, pas vrai ?)

Bon, je me connecte, et là, je tombe sur ce message : « Bonjour, il semblerait que vous utilisiez un bloqueur de publicités. » Genre : soyez sympa, désactivez-le avant de continuer votre lecture ou abonnez-vous, s’il vous plaît, parce que nous, « la publicité est notre unique source de revenus ».

Lisant cela : j’ai été pris d’un assez fort hoquet [^2]. Parce que, d’une : pour ce que j’en sais, il doit quand même se vendre, toutes les semaines, quelques exemplaires du Journal du dimanche. Je veux dire qu’il doit y avoir des gens qui achètent ce truc – je sais que ça paraît assez fantasmagorique – et qui lui assurent donc un revenu minimum.

Et parce qu’aussi, et surtout, il y a un élément dont je suis absolument certain : c’est que cette publication, comme toutes celles que leurs chefferies dédient à la fabrication du consentement, est gavée chaque année d’aides publiques à la presse, directes et indirectes. En 2014, par exemple – chacun(e) peut le vérifier dans les données publiées par le ministère de la Culture –, l’État lui a distribué 2,09 millions d’euros [^3]. Et l’année d’avant : 1,7 million. Et l’année d’avant : 1,5 million. (Soit une hausse constante.)

Donc, j’y insiste un peu : tous les ans, nous gratifions collectivement Le Journal du dimanche d’importantes subventions étatiques – sans que jamais personne ne nous demande si nous approuvons ce nantissement et si, par hasard, nous ne préférerions pas que cet argent soit mieux réparti entre, par exemple, la presse dominante, qui en capte la plus grosse part, et les journaux aimables, qui s’en partagent quelques miettes. (Mais, bien sûr, cela ne l’empêche jamais de publier des hymnes à la concurrence et de vibrants appels à réduire la dépense publique.)

C’est donc très – très – abusivement que Le Journal du dimanche soutient que la publicité serait son unique source de revenus : si outrancièrement, même, qu’il semblerait presque que, ce faisant, il se moque assez ouvertement des contribuables qui lui portent assistanat. Mais ce n’est probablement qu’une impression – car il n’est pas douteux que, si son éthique était si chancelante, l’État cesserait dans l’instant de la sponsoriser.

[^1] C’est presque tout le temps, si j’ai bien compté – du moins est-ce l’impression que ça donne –, que le Premier ministre « socialiste » en exercice distille des « exclusivités » au JDD. Un peu comme s’il avait compris qu’il n’y encourrait guère le péril de se voir soumis à trop d’impertinence par les journalistes maison.

[^2] Accessoirement : je n’utilise pas de bloqueur de publicités. Je sais pas du tout comment ces trucs-là s’installent et je pressens que, si j’essaie, mon ordi va partir en boue : no way.

[^3] www.culturecommunication.gouv.fr/Ressources/Documentation-administrative/Les-200-titres-de-presse-les-plus-aides-en-2014

Publié dans
De bonne humeur

Sébastien Fontenelle est un garçon plein d’entrain, adepte de la nuance et du compromis. Enfin ça, c’est les jours pairs.

Temps de lecture : 3 minutes